
Courrier international – « C’est brutal, c’est une casse humaine » qui va entraîner « des dizaines de milliers de morts », s’alarme Jean-François Corty, président de Médecins du Monde.
Washington a supprimé 92% des financements de programmes à l’étranger de l’agence américaine de développement USAID, dont le budget annuel s’élevait à 42,8 milliards de dollars, soit 42% de l’aide humanitaire déboursée dans le monde.
Fermeture de cliniques fournissant des soins pré et post-nataux, arrêt des programmes de planning familial et d’accès à des avortements sûrs, fin des distributions alimentaires pour les femmes enceintes et allaitantes, arrêt des soins et du soutien psychologique aux victimes de viols: les conséquences sont dramatiques, insistent les ONG.
« Les accouchements ne vont plus se faire dans de bonnes conditions », or « les décès maternels sont une des principales causes de décès des femmes dans les pays en crise », observe Anne Bideau, directrice générale de Plan International France.
© AFP/Archives A bord d’une clinique mobile financée notamment par le programme américain d’aide au développement Usaid, à Port-au-Prince, le 29 novembre 2024 |
Son organisation, qui lutte contre les inégalités filles-garçons, recevait 40 millions d’euros par an d’aide américaine. Depuis l’annonce du gel de cette aide, l’ONG a dû arrêter treize projets qui touchaient 1,5 million de personnes dans 12 pays. Comme un programme au Bangladesh luttant contre le mariage des enfants et les grossesses précoces ou un autre en Ethiopie qui fournissait des soins aux femmes et aux nouveaux-nés.
Solidarités International aurait dû recevoir 60 millions d’euros des Américains en 2025, soit 36% de son budget, explique son directeur général Kévin Goldberg. L’ONG a été contrainte d’arrêter un programme en Afghanistan qui aidait près de 10.000 femmes dans la région de Bamiyan (centre du pays) à développer une activité agricole afin qu’elles puissent être économiquement indépendantes.
Des agences de l’Onu vont aussi devoir composer sans les fonds américains: le Fonds des nations unies pour les populations (UNFPA) devait percevoir 377 millions de dollars pour apporter « des soins de santé maternelle essentiels, une protection contre les violences, un traitement pour les victimes de viol et d?autres soins vitaux dans plus de 25 pays en crise », a indiqué l’agence onusienne fin février.
© AFP/Archives Les 15 pays les plus aidés par l’Agence américaine pour le développement |
Or l’UNFPA est un important fournisseur des ONG en médicaments et équipements pour les soins de santé sexuelle et reproductive, rappelle Brigitte Tonon, référente santé chez Action contre la faim. Elle s’alarme de l’arrêt de la distribution de contraception et de l’accès à des avortements sûrs, des politiques dans le viseur de l’administration conservatrice de Donald Trump.
Mi-février, la fondation Guttmacher, un institut de recherche américain qui fournit des statistiques sur le contrôle des naissances et l’avortement aux États-Unis et dans le monde, avait estimé qu’à cause du gel de l’aide, 11,7 millions de femmes et de filles n’auraient plus accès à la contraception en 2025.
Parmi elles, 4,2 millions « connaîtront des grossesses non désirées et 8.340 mourront de complications pendant la grossesse et l’accouchement », d’après cet institut.
« Attaque » contre les droits humains
Le Congrès américain allouaient depuis neuf ans 607,5 millions de dollars par an pour la planification familiale dans le monde, dont 32,5 millions allaient à l’UNFPA, et aurait dû permettre à 47,6 millions de femmes et de filles de bénéficier de contraception en 2025, rappelle la fondation.
L’arrêt de l’aide américaine est « une attaque massive contre les droits sexuels et reproductifs » dans le monde, notamment l' »accès à l’avortement sécurisé », dénonce Jeanne Hefez, conseillère en plaidoyer pour l’ONG américaine Ipas, qui promeut l’accès à l’avortement et à la contraception.
Paris (AFP)
Source : Courrier international (France)
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