
Le 360.ma – La circulation à Casablanca empire, surtout durant le mois de ramadan. C’est la première source de malaise et de stress qui usent notre santé mentale et physique.
J’ai été agressée verbalement, alors que j’étais en arrêt sur le couloir de gauche, avec mon clignotant, pour tourner. Derrière moi, une voiture luxueuse dont le chauffeur, furieux, écrase son klaxon. Il vient cogner ma fenêtre. Je l’ouvre : «Salam assidi», ai-je dit, calmement, pour lui expliquer que j’ai le droit d’aller chez moi!
Une salve d’insultes, des dine mouk, des mentions désobligeantes à la religion de ma défunte mère et à ses organes génitaux. J’ai riposté : «Hram ‘lik assidi. H’tarème Ramdane» (C’est péché, Monsieur. Respectez le ramadan). Il sort encore plus les yeux, hausse davantage sa voix haineuse: «Toi tu connais Ramadan al kafra (mécréante)? Va d’abord cacher tes cheveux!» Un cycliste intervient et le mène à sa voiture, lui demandant de nâale ach-chitane (maudire Satan).
Ce sont des comportements habituels à Casablanca. Sur le rétroviseur de mon agresseur, un chapelet et un petit Coran étaient suspendus.
Il y a bien longtemps que j’ai cessé (ou du moins essayé) de me protéger contre cette violence. Notre vie à Casablanca devient pénible. Pas un carrefour, un feu rouge, un stop, un sens interdit qui échappe à la pagaille. Des voitures qui roulent en sens inverse, qui viennent vers vous, sur vous, relève de la banalité. Taxis, véhicules utilitaires et triporteurs en sont les champions. Quant aux motos, surtout celles des livreurs, aucun qualificatif ne saurait décrire les dégâts qu’elles occasionnent.
Ces chauffards savent-ils qu’ils commettent des péchés? Quand on expose dans sa voiture des signes religieux, on doit en respecter les préceptes de base, dont l’éthique. Et ces signes sont couramment exhibés. Les références à l’Islam, au Coran et au Hadith occupent généreusement les discussions. Les mosquées débordent de croyants, surtout pendant ramadan. Mais où est le respect de l’éthique?
Et l’un des critères les plus fiables pour évaluer l’éthique d’une population est son comportement dans la circulation.
En Islam, la piété n’est pas seulement un ensemble de rituels, mais une voie spirituelle et éthique, garante d’un équilibre entre l’élévation de l’âme et le comportement moral. Le croyant est tenu par al ‘ibadat, la relation entre lui et Dieu, et al muâamalate, la relation entre lui et les autres. Tout le monde répète que Dieu pardonne les péchés commis envers Lui, mais pas les préjudices causés aux autres. C’est à la personne lésée de pardonner ou de ne pas le faire. Mais cela s’applique rarement à la conduite.
«L’Islam recommande la maîtrise de soi et la patience, des vertus indispensables pour éviter l’agressivité et l’impulsivité, dangereuses pour soi comme pour les autres.»
Le Prophète a dit: «J’ai été envoyé pour parfaire les nobles caractères», donc les bons traits de caractère, les qualités morales, la bienveillance…
L’Islam prône des valeurs qui peuvent nous guider dans la conduite automobile. Exemple: le respect de la vie d’autrui. Conduire prudemment, sans excès de vitesse, en respectant le Code de la route, est une obligation morale. L’Islam recommande la justice et l’équité. Couper la route à quelqu’un, brûler un stop, ne pas respecter les piétons sont des manquements à l’obligation de justice et de respect des droits d’autrui.
L’Islam recommande la maîtrise de soi et la patience, des vertus indispensables pour éviter l’agressivité et l’impulsivité, dangereuses pour soi et pour les autres. Brûler un feu rouge, doubler en sens inverse ou klaxonner excessivement est un manque d’éthique. Se mettre en colère et devenir agressif provoquent des comportements imprudents, en contradiction avec la maîtrise de soi prônée par l’Islam, surtout pendant ramadan, ce mois au cours duquel le croyant doit faire le bien par ses comportements et par ses paroles.
Les dérives dans la conduite sont des infractions morales et spirituelles. Elles mettent en danger autrui, lui occasionnent des mécontentements, des contrariétés, la hogra, un sentiment d’injustice. Des dnoubes (péchés) vis-à-vis de personnes innocentes que l’on effraie en troublant leur sérénité, en provocant chez elles une cascade de colère et en les privant du droit de circuler dans un espace public rassurant.
La conduite est aussi un code de valeurs, base de la spiritualité. La route devrait être un espace de cohabitation et de vivre ensemble, où le respect, la prudence et la solidarité sociale sont essentiels pour la sécurité et la quiétude de tous.
L’Islam, c’est l’éthique sociale. Le croyant doit agir pour l’intérêt général et non croire que les routes ne sont faites que pour lui. Le Prophète a dit : «Le meilleur des Hommes est celui qui est le plus utile aux autres.» Les chauffards ne sont utiles pour personne; bien au contraire, ils empoisonnent la vie des autres.
Avant de courir à la mosquée, de nombreux croyants et croyantes devraient se poser des questions sur la spiritualité et l’éthique qui mènent à l’excellence morale (al ihsan), afin de faire de Casablanca, et de toutes les villes du Maroc, un espace juste et harmonieux. Al ihsan consiste à agir de la meilleure manière possible, même en l’absence de témoins, et dans notre cas, même en l’absence de policiers !
J’aimerais tant que ce genre de discours soit véhiculé par les imams des mosquées lors des prêches du vendredi et surtout des prières quotidiennes de Tarawih durant ramadan. Le canal religieux est probablement le seul capable de faire changer les mentalités… Le problème est là: comment faire de ces chauffards des citoyens qui respectent le Code de la route parce que c’est une valeur, et non pas par peur du policier ? Faute de quoi les caméras de surveillance devraient occuper tout l’espace ! Mais sans éthique, il faudrait des caméras dans tous les boulevards, toutes les rues et les ruelles. Chose impossible !
Une question pour finir, bête celle-là : quelle circulation en 2030 ?
Source : Le 360.ma (Maroc)
Les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs. Elles ne reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com