A la Maison Blanche, la rencontre entre Donald Trump et Emmanuel Macron illustre la distance qui se creuse entre les alliés

En visite à Washington, le président français a tenté d’infléchir la position américaine sur la guerre en Ukraine, désireux d’obtenir des garanties de sécurité en cas de cessez-le-feu avec la Russie. Mais le président américain n’a pris aucun engagement.

Le Monde  – Emmanuel Macron veut croire à « un tournant » et perçoit un « chemin » commun, là où Donald Trump paraît engagé sur une voie express, sans limite de vitesse ni considération pour les passagers. En accueillant son homologue français à la Maison Blanche, lundi 24 février, le président américain a respecté les formes d’une concertation transatlantique à un moment historique : celui de négociations engagées entre Washington et Moscou en vue, notamment, d’un cessez-le-feu en Ukraine. Mais les formes sont devenues cosmétiques, dans l’approche unilatérale par Donald Trump de la politique étrangère, conçue comme un règlement entre grandes puissances.

Inquiets d’être les spectateurs de leur propre destin, les Européens se mobilisent pour préserver l’essentiel : leur unité, la souveraineté ukrainienne, la couverture sécuritaire américaine. Emmanuel Macron est parvenu à s’inscrire dans le paysage américain, le temps d’une brève visite, en reconnaissant la nouvelle donne diplomatique imposée par Donald Trump, tout en exprimant en termes courtois réserves et divergences.

Un dialogue de sourds, bien qu’amical, s’est noué à deux reprises devant les caméras, lors d’un échange dans le bureau Ovale puis en conférence de presse. Une séquence l’a illustré, dans la matinée. Une nouvelle fois, le président américain se plaignait de la différence – fausse – de contribution, entre Européens et Américains, en soutien à l’Ukraine.

Depuis des semaines, il répète que Washington aurait versé 350 milliards de dollars (334 milliards d’euros), contre 100 milliards de dollars pour les Européens, à des conditions privilégiées. « Pour que vous compreniez bien, a lancé Donald Trump aux journalistes, l’Europe prête l’argent à l’Ukraine, elle récupère l’argent… » Emmanuel Macron l’interrompt alors, en posant doucement une main sur son bras. « En réalité, pour être franc, nous avons payé 60 % de l’effort total. Et c’était, comme les Etats-Unis, au travers de crédits, de garanties, d’allocations. »

« Si vous croyez à ça, ça me va »

 

Le président français a ensuite expliqué que les actifs russes saisis (300 milliards de dollars) pour l’essentiel en Europe ne pouvaient être expropriés, car cela violerait le droit international. Donald Trump a repris la parole, pour répondre à la correction sur l’effort de guerre. « Si vous croyez à ça, ça me va. Mais ils récupèrent leur argent, et nous non, mais maintenant oui », a lancé le président, en référence à l’accord sur les ressources minières, en passe, selon lui, d’être conclu avec Kiev. Après l’avoir rejeté, Volodymyr Zelensky est attendu prochainement à Washington pour parapher ce document. Jeudi 27 février, c’est le premier ministre britannique, Keir Starmer, qui se rendra à la Maison Blanche.

Face à la volonté de Donald Trump de mettre un terme au plus vite à ce conflit « sanglant », Emmanuel Macron a tenté de défendre un séquençage en deux temps : d’abord, une cessation des hostilités, entourée de conditions vérifiables, supposant donc des engagements russes, comme l’arrêt des bombardements sur les structures vitales ou les centres urbains. Puis, un accord de paix crédible et durable, à plusieurs dimensions, des questions territoriales aux garanties de sécurité, en passant par la reconstruction de l’Ukraine. La trêve initiale pourrait être conclue dans les « semaines à venir », a dit le chef d’Etat français dans la soirée sur Fox News.

« Nous voulons la paix, a souligné Emmanuel Macron, en disant parler au nom des Européens. Cette paix ne peut signifier la capitulation de l’Ukraine. Cette paix ne peut pas être un cessez-le-feu sans garanties. Cette paix doit prévoir les conditions d’une souveraineté ukrainienne. » Dans cette énumération, Donald Trump ne paraît attaché qu’à la première expression : la paix, vite. Le président français, lui, n’a cessé d’insister sur l’importance de l’engagement américain, sur un plan sécuritaire, en soutien de l’effort que les Européens se disent prêts à fournir.

Flou inquiétant

 

« Nous avons déjà connu des accords de paix qui n’étaient que des cessez-le-feu sans prévoir ces garanties de sécurité, a dit M. Macron. Cela s’est appelé Minsk I et Minsk II, et nous savons d’expérience que cela ne tient pas. » Ce fut des centaines d’heures de discussions depuis 2015, sous l’égide de la France et de l’Allemagne, qui n’ont pas permis d’éviter l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, en 2022. Le chef de l’Etat en a profité pour donner une leçon, en creux, à son hôte, qui dès son retour à la Maison Blanche a fixé les limites de l’engagement américain. « On ne devrait jamais dire qu’on n’enverra pas de troupes au sol, parce que vous signez alors un chèque en blanc pour la violation de tout type d’engagement. »

Flou inquiétant : Donald Trump ne s’engage pas sur le « backstop », l’appui sécuritaire que les Etats européens lui réclament pour déployer leurs soldats en Ukraine afin de faire respecter un éventuel accord de paix. En attendant que d’autres les rejoignent, la France et le Royaume-Uni travaillent sur « des déploiements totalement pacifiques, non engagés dans les combats », a affirmé le chef de l’Etat. Pour lui, « la capacité de dissuasion américaine » doit permettre aux Européens d’intervenir en toute sécurité.

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 (Washington, envoyé spécial) et  (Washington, correspondant)

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

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