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– La scène, racontée par une source bien informée, est d’une violence symbolique rare. Elle dit le basculement provoqué par le retour de Donald Trump à la Maison Blanche. Arrivé à Kiev par train, le secrétaire au Trésor américain, Scott Bessent, s’est entretenu le 12 février avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky. L’invité venait pour un diktat, un court document en main. Soit son hôte signait sur-le-champ un projet d’accord sur les minéraux stratégiques ukrainiens – autrement dit, les terres rares –, en rétrocédant la moitié aux Etats-Unis, soit Washington, selon Scott Bessent, mettait un terme au soutien économique et militaire à l’Ukraine, en cours depuis trois ans.
Ces terres rares, tant convoitées, regorgent de lithium pour les batteries de téléphone, d’uranium pour faire tourner les centrales nucléaires, de graphite pour les batteries de voiture électrique ou encore de titanium, prisé dans le secteur aérospatial. A cela s’ajoutent du pétrole et du gaz. Le potentiel d’exploitation de ces richesses est très théorique à ce stade, pour des raisons de sécurité et de capacités industrielles. Mais il suscite l’intérêt pressant de la Maison Blanche, d’autant que Volodymyr Zelensky a lui-même suggéré, à l’automne, une exploitation commune.
Ce jour-là, face au chantage de Scott Bessent, Volodymyr Zelensky gagne du temps, promet d’étudier la proposition et s’imagine déjà la corriger. Il rappelle qu’un tel accord doit être validé par le Parlement (la Rada). Son invité ne cache pas son exaspération, insiste lourdement pour que le président signe. Pourtant, selon cette même source, le document américain est dépourvu de toute précision sur les investissements envisagés par Washington dans les structures industrielles locales, déjà très datées. Il prévoit aussi que l’accord ne puisse être contesté que devant la justice de New York.
Respect à l’égard de Poutine
C’est à la lumière de cette rencontre « confrontationnelle » qu’il faut comprendre l’accès de fureur de Donald Trump contre le président ukrainien. Jeudi 20 février, en salle de presse à la Maison Blanche, Mike Waltz ne voulait pas dire qui a déclenché la guerre en Ukraine. En revanche, le conseiller à la sécurité nationale des Etats-Unis a souligné que Donald Trump « est clairement très frustré par le président Zelensky ». Mike Waltz a dénoncé les insultes « inacceptables » venant supposément de Kiev, à l’endroit de l’administration américaine.
Le constat inverse s’impose pourtant. Une cascade de propos méprisants, de menaces et de mensonges a été observée à Washington contre le dirigeant ukrainien. Donald Trump est allé jusqu’à le traiter de « dictateur ». Une violence verbale qui contraste avec le respect exprimé à l’égard de Vladimir Poutine, au moment même où les relations diplomatiques étaient renouées avec la Russie. Au point que, selon le Financial Times, Washington s’opposerait à qualifier Moscou d’« agresseur », dans le communiqué préparé entre membres du G7, avant le troisième anniversaire de la guerre.
La colère de Donald Trump à l’encontre de Volodymyr Zelensky a forcément des ressorts multiples. Le dirigeant ukrainien est associé à la première procédure de destitution contre lui, fin 2019. En outre, le président américain respecte davantage les figures autoritaires comme Vladimir Poutine ou le Chinois Xi Jinping que son homologue ukrainien. Le président ukrainien a exprimé un courage personnel dans la défense de son pays et des valeurs chères à l’Occident. Donald Trump, lui, croit dans la logique de la force et en la distinction entre chasseurs et proies. « Il faut être deux pour le tango », avait dit le milliardaire, encore candidat, en recevant le dirigeant ukrainien à la Trump Tower, en octobre 2024. Au tango, un seul conduit.
Non convié à Riyad, en Arabie saoudite, pour la reprise de contact entre Américains et Russes, Volodymyr Zelensky a manifesté sa mauvaise humeur. Il a aussi réagi aux propos de Donald Trump, en estimant que ce dernier vivait dans un « espace de désinformation ». Selon les conseillers du président américain, l’expression l’aurait exaspéré. Mais la raison la plus déterminante dans l’offensive déclenchée par le milliardaire tient au sous-sol ukrainien.
« Occasion historique »
Dans la logique trumpienne, l’Ukraine a abusé des Etats-Unis depuis le début de la guerre, en bénéficiant d’une aide gratuite, militaire et financière. Donald Trump avance des chiffres faux : 350 milliards de dollars côté américain (334 milliards d’euros), contre 100 milliards pour les Européens. En réalité, les Etats-Unis ont alloué un montant total d’environ 183 milliards de dollars, dont 65 milliards d’aide militaire, représentant pour l’essentiel une subvention au complexe militaro-industriel national. Mais, dans cette logique entretenue par Donald Trump, l’heure de l’addition serait venue pour Kiev, sous la forme de garanties.
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