“Faut-il s’inquiéter de l’état des finances publiques du Sénégal ?” titre la BBC sur son site. “La Cour des comptes fait des révélations fracassantes sur la gestion de Macky Sall”, affiche de son côté le titre béninois La Nouvelle Tribune. En effet, les irrégularités résultant de l’examen des finances publiques au Sénégal entre 2019 et mars 2024 interrogent.

À commencer par les chiffres. Dans le document de 57 pages de la Cour des comptes publié le 12 février, la dette publique est estimée à près de 100 % du PIB en 2023, contre 74 % selon les annonces du gouvernement de l’ancien président Macky Sall. Quant au déficit budgétaire, il s’élève à 12,3 % du PIB pour la même année, soit plus du double que le montant précédemment publié (4,9 %).

“Cette [dernière] différence résulte principalement de la non-comptabilisation de certaines dettes et dépenses extrabudgétaires”, indique la BBC. Le média britannique résume les “anomalies” révélées par ce rapport : “Des rattachements irréguliers de recettes, des transferts opaques de fonds vers des comptes spécifiques et des écarts importants entre les montants déclarés et les montants réels des emprunts au Sénégal”.

Autre pratique épinglée par l’institution : la vente du patrimoine de l’État à une société publique, qui l’aurait ensuite loué à l’administration, comme le détaille le quotidien gouvernemental Le Soleil.

Méthode “douteuse”

 

Alors que des poursuites judiciaires pourraient être engagées contre d’anciens dignitaires de l’ère Macky Sall, au pouvoir de 2012 à 2024, son parti, l’Alliance pour la République (APR), “déchire tout [le rapport]”, narre Enquête Plus. Et crie à une “nouvelle cabale du gouvernement”, au non-respect du contradictoire, tout en dénonçant le “caractère douteux et bancal” de la méthodologie retenue, selon le site sénégalais.

“Réformer ou sombrer financièrement”, tel est le “cri d’alarme” du ministre des Finances Cheick Diba, retient de son côté Seneweb. Selon le grand argentier, le rapport de la Cour des comptes est une “photographie fidèle de la situation financière du pays”, et “des insuffisances qu’il est désormais impératif de corriger avec rigueur et détermination”. Il s’engage “à mettre en œuvre des réformes structurelles ambitieuses pour garantir la soutenabilité budgétaire et la prospérité”.

Risque de récession

 

Des promesses qui masquent mal l’inquiétude suscitée auprès des bailleurs de fonds, des investisseurs et des banques par ce rapport qui “met à nu la fragilité financière” du Sénégal, selon l’économiste Cheikh Tidiane Ndiaye interviewé par le quotidien L’Observateur [ce quotidien d’information sénégalais ne dispose pas de site web]. Les autorités devraient se garder de “toute sortie intempestive sur la gestion du pays” face au “risque de récession”, estime-t-il. Tout en reconnaissant la “gestion financière catastrophique du régime sortant”.

Moins orthodoxe, cet édito du Soleil invite à repenser le “développement”, jusque-là calqué sur le modèle occidental, et qui a poussé “les pays africains, désireux de rattraper leur retard, [à succomber] à la tentation de l’argent facile sur les marchés financiers, s’enfermant progressivement dans le piège de la dette”. En résonance avec l’universitaire et écrivain Felwine Sarr, plaidant, résume Seneplus, pour une “économie de la dignité”.