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Courrier international – Quitter son travail et laisser retomber leurs bras ? Très peu pour eux. “Studio Yafa” est allé à la rencontre de Burkinabè qui ont largement dépassé l’âge de la retraite mais sont encore en activité, qu’ils restent attachés à leur métier ou doivent subvenir aux besoins des leurs.
Ils portent les stigmates du temps, mais refusent de plier face à l’usure des années. À 60 ans révolus, ils sont toujours en activité. Pour diverses raisons. Pendant ce temps, certains de leurs camarades coulent des jours paisibles de retraite.
À 71 ans, Rasmane Kiekieta, un jardinier, porte les marques du temps. Des cheveux grisonnants et un visage ridé sculpté par des années de travail acharné. Malgré tout, il est toujours en activité. Quand on évoque la retraite, il laisse échapper un petit sourire, comme pour tourner le terme en dérision. Se reposer, il n’en est pas question. En tout cas, pas pour l’instant, a-t-il laissé entendre.
Nécessité fait loi
Chaque matin, Rasmane Kiekieta se rend très tôt dans son jardin, près du barrage de Tanghin, animé par la même passion qu’au premier jour. “Je travaille jusqu’à la prière de Maghrib [l’une des cinq prières quotidiennes dans l’islam, prévue entre le coucher du soleil et la tombée de la nuit], car c’est ma seule manière de subvenir à mes besoins”, explique-t-il en inspectant ses cultures. Ses paumes rugueuses et sa poignée de main ferme témoignent de la force et du labeur de l’homme. “Si tu n’aimes pas ce que tu fais, tu ne peux pas tenir aussi longtemps. Moi, j’éprouve un réel plaisir à travailler, même quand c’est épuisant”, ajoute-t-il en souriant.
Au quartier Wayalguin, dans le nord-est de la capitale, Daniel Ouédraogo est blanchisseur. Un autre travailleur du troisième âge pour qui le terme “retraite” semble étranger. À 65 ans passés, il rit presque à l’évocation de ce mot, comme Rasmane Kiekieta. “Peut-être que la retraite, c’est la maladie ou la mort, sinon je ne vois pas comment arrêter”, confie-t-il avant de pousser un éclat de rire. Pour lui, le travail n’est pas un choix mais une nécessité. Il doit travailler s’il veut pouvoir subvenir aux besoins de sa famille.
Chaque jour, c’est la même routine. Parcourir à vélo environ 10 kilomètres de son quartier Saaba à Wayalguin. Dos voûté, voix lourde et débit lent, tout en lui témoigne des séquelles du temps. Pourtant, sa détermination reste intacte. “La tâche est difficile, mais que faire ? Je dois nourrir ma famille”, dit-il d’un ton résigné en repassant les habits qu’il a reçus la veille. Après plus de vingt ans de service, Daniel avoue que sa vigueur n’est plus celle d’antan. Il consacre désormais plus de temps qu’il ne le faudrait à chaque vêtement. “Ce n’est pas facile, mais bon”, soupire le travailleur, père de sept enfants.
Une question de dignité
Dans le quartier Zone 1, Salif Nikiema est vulcanisateur. Bien que l’âge pèse sur lui, il n’a pas le temps de s’y attarder, absorbé par ses responsabilités professionnelles. Il dit n’avoir pas vraiment le choix que de travailler. Les jeunes, selon lui, trouvant le métier difficile. “Moi, quand j’envoie quelqu’un ici, deux jours après il fuit, disant que c’est trop dur”, déplore-t-il.
Il ressent une profonde tristesse face à cette attitude et estime que les jeunes devraient se concentrer sur le travail avant tout. Rasmane Kiekieta et Daniel Ouédraogo partagent ce constat. Daniel s’interroge, visiblement perplexe : “Moi-même, je n’arrive pas à comprendre comment un jeune peut passer toute la journée dans un kiosque à ne rien faire.” La question de la dignité, pour lui, passe par l’effort et le travail. Pour Rasmane, comme pour Daniel, le travail est une question de respect de soi-même.
Alors que l’âge frappe les corps et alourdit les gestes, Rasmane Kiekieta, Daniel Ouédraogo et Salif Nikiema restent fidèles à leur travail, défiant le temps qui passe. Leur regard sur la jeunesse d’aujourd’hui, qui fuit l’effort, selon eux est une invitation à réfléchir sur la valeur du travail et la dignité qu’il apporte. Ces hommes rappellent que, pour eux, le travail est une nécessité, une question de survie, mais aussi un principe qui forge leur fierté.
Studio Yafa (Ouagadougou)
Studio Yafa est un média burkinabè de production de programmes radio, vidéo et multimédia destinés essentiellement au jeune public. Il fournit des espaces de dialogue sur la vie sociale et politique du pays
Source : Courrier international (France)
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