Le 360.ma – Qui parmi les favorables à la continuité de la politique du président sortant Akinwumi Adesina ou ceux qui au contraire prônent la rupture d’avec une décennie de gestion, sera le 10e président de la Banque africaine de développement? Après des désistements de dernière minute, la Sud-africaine Swazi Tshabalala et le Mauritanien Sidi Ould Tah ont rabattu les cartes d’une course qui compte trois autres concurrents. L‘élection du président de la BAD est une bataille diplomatique faite de lobbying et de consensus. Verdict, mai prochain.
inq dossiers, dont celui d’une femme, ont été enregistrés à la clôture des dépôts des candidatures pour le poste du 10e président de l’institution financière panafricaine, le 31 janvier 2025 à 17 heures (heure d’Abidjan).
Il s’agit de la Sud-africaine Swazi Tshabalala, du Sénégalais Amadou Hott, du Mauritanien Sidi ould Tah, du Zambien Samuel Munzele Maimbo et du Tchadien Mahamat Abaas Tolli. Le Béninois, Romuald Wadagni, l’un des premiers à annoncer sa candidature et sérieux candidat à la succession au Nigérian Akinwumi Adesina, s’est désisté à la dernière minute.
Si le Zambien Samuel Munzele Maimbo et le Sénégalais Amadou Hott partaient jusqu’à présent favoris, la situation semble avoir un peu évolué. La présence de la Sud-africaine Swazi Tshabalal, vice-présidente principale de la BAD jusqu’à sa récente démission, va diviser les soutiens du Zambien. Certains pensent que l’un des deux candidats d’Afrique australe sera contraint de se désister. Quant à Hott, sa campagne peine à démarrer. De plus, il ne semble pas, pour le moment, bénéficier du soutien des pays qui pèseront le jour de l’élection.
Dans cette course, plusieurs éléments sont à prendre en considération. Il faut faire campagne pour avoir les voix des 54 pays africains et celles des 27 non africains actionnaires de la BAD. Il faudra surtout avoir dans son escarcelle les onze grands porteurs de voix: Nigeria, États-Unis, Égypte, Japon, Algérie, Afrique du Sud, Maroc, Allemagne, Canada, France et Côte d’Ivoire. Jusqu’à présent, aucun candidat n’a été élu sans le soutien de ces pays.
L’élection du président de la BAD est avant tout une bataille diplomatique où chaque voix compte. Le choix de certains pays membres de la BAD, notamment les non-africains, dépendra aussi de l’option de la continuité, ou non, de la stratégie du président sortant Adésina et du profil des candidats. Certains pays souhaitent une réforme de la gouvernance de la BAD en brisant l’omerta qui l’entoure. D’ailleurs, le second mandat d’Adesina a été marqué par quelques tensions avec certains actionnaires occidentaux.
Reste que d’ici mai 2025, plusieurs changements peuvent intervenir. Il n’est pas exclu que certains candidats se retirent de la course pour diverses raisons et que certains poids lourds décident d’afficher leur position et faire pencher la balance au profit de l’un ou de l’autre des candidats. Le rôle du Nigeria et des États-Unis sera déterminant.
En attendant l’élection prévue en mai prochain, voici le profil et le parcours des cinq candidats qui ont déposé leur dossier pour la présidence de la BAD.
La Sud-africaine Bajabulile Swazi Tshabalala : seule femme en course, bonne connaisseuse des arcanes de la BAD
Bajabulile Swazi Tshabalala, 58 ans, est la seule femme candidate. Elle concourt pour son pays, l’Afrique du Sud, quatrième actionnaire africain de la BAD. Reposant sur la puissance économique et diplomatique de son pays, elle compte fédérer les pays anglophones autour de sa candidature. L’Afrique du Sud va certainement user de sa diplomatie pour obtenir le soutien de certains pays du BRICS. Bajabulile Swazi Tshabalala peut mettre à son profit le fait que la BAD n’a jamais été présidée par une femme.
Comme elle peut faire valoir sa connaissance des arcanes du groupe de la BAD qu’elle a intégré en 2018 en tant que vice-présidente en charge des finances et responsable financière du groupe. En novembre 2021, elle a été nommée vice-présidente principale et directrice financière de l’institution financière panafricaine, devenant ainsi la première femme à occuper ce poste stratégique. Elle a joué un rôle essentiel dans les décisions financières, les investissements et les priorités économiques de la BAD. Elle a démissionné en octobre 2024 pour se consacrer à sa candidature.
Toutefois, elle part avec quelques handicaps de taille. Sa candidature ne fait pas l’unanimité au sein de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) qui avait désigné à l’unanimité le Zambien Munzele Maimbo comme candidat unique de la région. Conséquence, elle n’obtiendra pas le soutien total des pays de cette sous-région australe.
Ensuite, avec deux candidats d’une même région, cela réduit les chances de l’Afrique australe qui compte énormément sur la rotation au sommet de la BAD pour gagner les faveurs des autres blocs régionaux, notamment l’Afrique de l’Est qui n’a pas de candidats. Par ailleurs, en tant que vice-présidente principale de la BAD, elle est aussi comptable de la gestion et de la gouvernance, loin de faire l’unanimité parmi des actionnaires non africains dont certains souhaitent un candidat de rupture.
Titulaire d’une licence en économie de l’Université Lawrence (1989) et d’un MBA de l’Université Wake Forest (1992) aux Etats-Unis, Bajabulile Swazi Tshabalala jouit d’une longue expérience de près de 30 ans dans les domaines de la finance, de la gestion de la trésorerie, des opérations sur les marchés des capitaux et des investissements.
Le Mauritanien Sidi ould Tah : le concurrent aux multiples soutiens
Alors que l’ancien vice-président de la BAD, Ousmane Kane, était annoncé candidat, c’est finalement Sidi ould Tah qui entre en course pour la Mauritanie. C’est le mercredi 29 janvier 2025 que le ministre de l’Economie et des Finances mauritanien, Sid Ahmed ould Bouh, a déposé son dossier au Secrétariat général de le BAD. L’officialisation à la dernière minute la candidature de Sidi ould Tah, soutenue par le président Mohammed Cheikh el Ghazouani, vient rabattre les cartes. Il jouit d’un certain nombre d’avantages. D’abord, en l’absence d’un autre candidat d’Afrique du Nord, il peut en engranger les voix soit autour de 20% des suffrages.
Il bénéficie également d’un fort soutien de l’Arabie saoudite et des pays du Golfe, membres de la BAD (Émirats arabes unis et Koweït). S’il arrive à canaliser les votes de ces pays, ce qui n’est pas donné d’avance, cela lui procurerait un capital vote qui lui permettra au moins de passer les premiers tours de l’élection. Le candidat mauritanien jouit également de soutiens en Afrique de l’Ouest, notamment de la Côte d’Ivoire, du Bénin et certainement d’autres pays de la région. D’ailleurs, sa candidature est en quelque sorte parrainée par le président ivoirien Alassane Ouattara. Un appui de taille qui peut lui ouvrir d’autres portes au-delà du continent, notamment en Europe où il peut bénéficier des votes de la France et d’Espagne qui ont des relations privilégiées avec la Mauritanie.
Ensuite, en tant que directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea) depuis une décennie, Sidi ould Tah est un habitué des palais présidentiels du continent. Il a su tisser des liens privilégiés avec de nombreux chefs d’État africains. Mais pour remporter le vote africain, le candidat mauritanien aura besoin du soutien du Nigéria, en tant que premier actionnaire de la BAD et dont le vote est crucial pour faire basculer la balance en sa faveur.
Afin d’augmenter les chances de son candidat, la Mauritanie mène une diplomatie active en s’appuyant sur ses relations avec les pays africains et les membres non africains de la BAD. Si l’Arabie saoudite ne pèse pas lourd lors des votes, elle a une influence diplomatique indéniable auprès de nombreux pays. D’ailleurs, l’une des volontés du candidat mauritanien est d’attirer les actionnaires du Golfe dans le capital de la BAD.
Sidi ould Tah, polyglotte (arabe, français et anglais) de 61 ans, est titulaire d’un doctorat en économie de l’université de Nice Sophia Antipolis (France), ancien ministre de l’Économie et des Finances de la Mauritanie et actuel directeur général de la Banque arabe pour le développement économique en Afrique depuis juin 2015. Il a été occupé les postes de chargé du marketing des investissements puis d’assistant technique du président du groupe de la banque islamique pour le développement (BID).
Source : Le 360.ma (Maroc)
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