Menacée de sanctions par Washington, la Cour pénale internationale s’inquiète pour son avenir

La CPI tente de se préparer aux sanctions promises par l’administration en réponse au mandat d’arrêt émis contre Benyamin Nétanyahou. Le premier ministre israélien doit être reçu à la Maison Blanche, mardi 4 février.

Le Monde  – La question plane depuis des semaines au-dessus de la tête des juges de la Cour pénale internationale (CPI) et de son procureur, Karim Khan. « Il ne s’agit plus de savoir si les sanctions tomberont, mais quelle en sera l’ampleur ? », soupire une source judiciaire, qui parle d’« une incertitude usante ».

Depuis l’émission de mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son ex-ministre de la défense Yoav Gallant, le 21 novembre 2024, La Haye bruisse d’inquiétudes. Les sanctions promises par l’administration Trump toucheront-elles l’un ou l’autre des responsables de la Cour ? Viseront-elles aussi l’institution, voire tous ceux qui, de près ou de loin, coopèrent avec elle ? L’héritière du tribunal de Nuremberg y survivra-t-elle ?

La CPI a obtenu un sursis. Contre toute attente, mardi 28 janvier, le Sénat américain n’a pas adopté le projet de loi sur « la lutte contre les tribunaux illégitimes », voté par la Chambre des représentants, le 9 janvier. Le texte prévoyait d’infliger des sanctions massives contre tout individu ou entité – entreprises, organisations non gouvernementales, cabinets d’avocats, etc. – qui assisterait la CPI dans les affaires visant des citoyens américains ou israéliens. Ces sanctions pourraient donc inclure les alliés de Washington qui, à l’instar de la France, ont, en tant que membres de la Cour, l’obligation de coopérer avec elle.

Dans cet esprit, le sénateur républicain Lindsey Graham, proche de Benyamin Nétanyahou, avait menacé dans Newsweek, en novembre 2024 : « A n’importe quel allié – le Canada, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France –, si vous essayez d’aider la CPI, on va vous sanctionner. » Mardi, contrariant les ambitions de cet élu de Caroline du Sud, des sénateurs démocrates ont proposé d’amender le texte pour « protéger les filiales d’entreprises américaines », ainsi que les alliés de Washington, a écrit le Washington Post.

Les pires hypothèses envisagées

Les mises en garde diplomatiques ont-elles payé ? Dans une lettre datée du 15 janvier, publiée par le Washington Post, 20 ambassadeurs européens en poste aux Etats-Unis ont prévenu : de telles sanctions nuiraient à « l’Etat de droit international, crucial pour promouvoir l’ordre mondial et la sécurité ». Elles pourraient « paralyser » la Cour, qui, faute de pouvoir fonctionner, devrait libérer les personnes actuellement détenues dans sa prison de Scheveningen.

A La Haye, les pires hypothèses sont envisagées car les sociétés – banques, assurances, entreprises de télécommunications et d’informatique – liées aux Etats-Unis devront se conformer aux sanctions sous peine de poursuites. « Le risque de sanctions pesant sur la Cour met au jour la grande dépendance de celle-ci – qui est pourtant chargée de poursuivre l’intérêt général – vis-à-vis de prestataires privés, notamment dans le secteur du numérique et des banques et assurances », avait déclaré, début décembre 2024, Olivier Belle, ambassadeur de Belgique auprès des institutions internationales à La Haye, lors de l’Assemblée annuelle des Etats membres de la CPI (125 aujourd’hui). La multinationale américaine Microsoft a été choisie par le procureur pour le laboratoire d’analyse et de stockage des preuves.

Tout en essayant de convaincre les Etats-Unis de ne pas sanctionner la CPI, plusieurs pays occidentaux, dont la France, s’opposent à l’exécution du mandat d’arrêt contre le premier ministre israélien. Le 31 janvier, neuf pays – Afrique du Sud, Palestine, Namibie, Cuba, Sénégal, Honduras, Bolivie, Belize et Malaisie – ont lancé « The Hague Group », visant notamment à faire respecter les décisions rendues par la CPI. « Nous voyons les sanctions contre la CPI comme une attaque non pas contre la Cour ou ses fonctionnaires, mais contre les nations souveraines qui ont décidé d’être parties au statut de Rome », s’est indigné Alvin Botes, vice-ministre des relations internationales d’Afrique du Sud.

Lire la suite

 

 

 

  (La Haye, correspondance)

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Quitter la version mobile