– C’est une image gravée dans toutes les mémoires. Il suffit de dire « la petite fille au napalm » pour voir surgir devant ses yeux Kim Phuc, cette enfant brûlée vive, en pleurs et courant nue sur la route après un bombardement sud-vietnamien sur le village de Trang Bang, en 1972.
Mais cette photo, symbole des horreurs de la guerre du Vietnam, cache-t-elle un secret ? Si son authenticité ne fait pas de doute, le documentaire The Stringer (Le pigiste), projeté samedi 25 janvier au festival de Sundance, aux Etats-Unis, écorne la légende et crie au scandale : l’auteur de l’image ne serait pas le photographe vietnamien Nick Ut, mais un photographe indépendant, un pigiste, dont le nom a été tu pendant plus de cinquante ans.
Cette enquête a de quoi ébranler le monde du photojournalisme, tant la photo compte au nombre des icônes de la presse. Elle a mobilisé l’opinion américaine contre la guerre du Vietnam et elle a lancé la carrière de Nick Ut, un jeune Vietnamien au parcours exemplaire. Après avoir perdu deux frères dans la guerre, il a été embauché encore adolescent chez Associated Press (AP) pour nourrir sa famille, et est devenu mondialement célèbre remportant de nombreux prix, dont un Pulitzer. La victime, Kim Phuc, que Le Monde avait rencontrée en 1997, est elle aussi devenue un symbole : souffrant toujours de ses blessures, elle a été utilisée par le régime vietnamien à des fins de propagande, avant de fuir son pays et de devenir ambassadrice pour l’Unesco. Comment cette photo célèbre, sur laquelle tant de livres, d’articles, de témoignages ont été publiés, aurait-elle pu cacher une tromperie ?
Dans le film réalisé par Bao Nguyen, on suit l’enquête menée au Vietnam, en France et aux Etats Unis par l’ancien photojournaliste britannique Gary Knight, aujourd’hui directeur de la Fondation Seven, installée à Arles, dans les Bouches-du-Rhône.
Dans cette histoire, l’homme par qui le scandale arrive est Carl Robinson, l’éditeur photo pour AP à Saigon en 1972, qui fut aux premières loges. Ce dernier, qui vit au Vietnam, assure avoir menti sur ordre de Horst Faas, le charismatique directeur de la photographie de l’agence, mort en 2012 : celui-ci lui aurait demandé d’inscrire le nom de Nick Ut, qui faisait partie de l’équipe de AP, au lieu de celui du véritable auteur, un pigiste (indépendant) vietnamien.
Un appel sur Facebook
Carl Robinson n’a pas osé s’opposer à son supérieur à l’époque mais il a partagé l’histoire de façon privée avant de se décider à parler, des décennies plus tard, rongé par le remords. Interrogé sur la raison de la manipulation de Horst Faas, qui était pourtant connu pour soutenir et encourager de nombreux photographes pigistes vietnamiens, Carl Robinson a une explication. Le frère de Nick Ut, Huynh Thanh My, avait été tué lors d’un reportage pour AP : « Horst Faas avait été dévasté par la mort de My, et c’était sa façon de lui rendre hommage. »
Aidé par une journaliste vietnamienne, Lê Van, l’équipe lance alors un appel sur Facebook pour retrouver le pigiste dont on aperçoit la silhouette sur une des photos de l’époque. Avec succès : Nguyen Thanh Nghé se signale, qui travaillait ce jour-là comme chauffeur pour l’équipe américaine NBC. Installé aux Etats-Unis en 1975 après avoir été photographe militaire dans l’armée sud-vietnamienne, il affirme être le véritable auteur de la photo : « J’ai travaillé dur pour cette image, et c’est Nick Ut qui a tout remporté. »
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