Courrier international – Lors d’une audience qui s’est tenue à Seattle, le juge John C. Coughenour a estimé que le décret visant à mettre fin au droit du sol était “manifestement inconstitutionnel”. Donald Trump a aussitôt annoncé que son administration allait faire appel. La bataille juridique promet d’être longue, estime la presse américaine.
“Franchement, j’ai du mal à comprendre comment un avocat peut affirmer sans équivoque que ce décret est conforme à la Constitution. Ça me dépasse”, a déclaré le juge fédéral John C. Coughenour en annonçant sa décision de suspendre le décret signé trois jours plus tôt par Donald Trump, rapporte The New York Times. Une décision qui s’appliquera sur tout le territoire des États-Unis pendant quatorze jours renouvelables.
Jeudi 23 janvier, les procureurs généraux de 22 États avaient déjà porté plainte contre le décret en question, intitulé “Protéger le sens et la valeur de la citoyenneté américaine”. Des conseillers du président avaient initialement expliqué qu’il ne concernait que les “enfants d’immigrés illégaux nés aux États-Unis”. En réalité, “il va beaucoup plus loin”, explique le quotidien.
À moins que la justice américaine ne retoque définitivement ce texte, “les enfants nés aux États-Unis de femmes bénéficiant du statut de résident temporaire (par exemple des personnes qui ont un visa étudiant ou qui travaillent pour des entreprises technologiques) ne seront plus automatiquement reconnus comme citoyens américains si le père n’est pas, lui non plus, résident permanent”.
“Il s’agit d’une attaque choquante contre des gens qui sont ici en toute légalité, qui respectent les règles et qui profitent au pays. Nous parlons de personnes qui font des recherches de pointe aux États-Unis, de chercheurs, de personnes qui sont ici pour nous aider”, a réagi David Leopold, du cabinet d’avocats UB Greensfelder.
En cause, le sens du 14e amendement
Aux États-Unis, le droit du sol est consacré dans la Constitution par le 14e amendement, souligne The Wall Street Journal. La première phrase de cet amendement, connue comme la “clause de citoyenneté”, stipule : “Toutes les personnes nées ou naturalisées aux États-Unis et soumises à leur juridiction sont citoyennes des États-Unis et de l’État dans lequel elles résident.”
Jusqu’à présent, la plupart des juristes ont estimé que le sens de l’amendement est parfaitement clair : “Les enfants nés aux États-Unis deviennent des citoyens américains quelle que soit la nationalité de leurs parents.” Mais le décret présidentiel se fonde sur une interprétation différente. La clause de citoyenneté ne s’appliquerait qu’aux enfants nés aux États-Unis et “soumis à leur juridiction”. Autrement dit, aux enfants d’immigrés dont l’un des parents au moins est citoyen américain ou résident permanent.
La suspension provisoire décidée à Seattle par le juge John C. Coughenour marque sans aucun doute le coup d’envoi d’une longue bataille juridique, estime le New York Times. La Cour suprême s’est toutefois déjà prononcée une fois sur le sujet, rappelle la chaîne MSNBC. “Trente ans après l’adoption du 14e amendement, le Congrès avait tenté d’exclure les personnes nées aux États-Unis de parents chinois. Et la Cour avait confirmé à cette occasion que toute personne née aux États-Unis avait le droit de bénéficier des dispositions du 14e amendement relatives à la citoyenneté.”
Quant à modifier le 14e amendement, cela nécessiterait non seulement un vote des deux tiers des deux chambres du Congrès, mais aussi la ratification des trois quarts des États. Il est “hautement improbable” que ces conditions soient remplies, selon la chaîne d’information en continu.
“Un président ne peut pas, d’un trait de plume, récrire la Constitution”, écrit MSNBC. Il peut toujours, en revanche, contester une décision de justice. “Évidemment, nous allons faire appel”, a confirmé jeudi soir Donald Trump devant des journalistes réunis à la Maison-Blanche.
Source : Courrier international (France)
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