C’est décidé, je quitte X même si je n’ai jamais eu de compte Twitter!

Abandonner en grande partie les réseaux sociaux est encore le meilleur moyen de ne rien céder à la folie de l'époque.

Slate  – Puisqu’hélas, il faut bien vivre avec son temps, dans la guerre civilisationnelle qui oppose ceux décidés à demeurer envers et contre tous sur X et ceux prompts à le quitter, je me range du côté des derniers. Ce ne sont pas de vaines paroles : à partir d’aujourd’hui, je m’engage à ne plus jamais rien poster sur ce réseau social –le fait de n’avoir jamais eu de compte sur cette plateforme ne change rien à ma détermination, à l’heure dite, sachez-le, ma main ne tremblera pas!

D’ailleurs, tant que j’y suis, je m’engage pareillement à vendre ma Tesla quand bien même n’en ai-je jamais possédé. Il y a des valeurs sur lesquelles on ne transige pas. Rien ne doit venir grossir la fortune ou la popularité déjà énormissime d’Elon Musk, tant cette personne exalte une sorte de folie narcissique qui, combinée à sa surface financière, peut contribuer à rabaisser encore un peu plus ce qui reste de grandeur dans le genre humain.

À l’aune de cette problématique, il est fascinant de voir à quelle vitesse, culturellement, l’humanité chute. Il n’y a encore pas si longtemps, on était sommé de choisir son camp entre Jean-Paul Sartre et Albert Camus, l’un excluant l’autre. On prenait fait et cause pour Jean-Luc Godard contre François Truffaut. Ou l’inverse. Même la guerre entre Oasis et Blur avait plus de consistance que celle qui oppose actuellement les utilisateurs de X. Qu’on se le dise une bonne fois pour toutes, les réseaux sociaux sont une invention qui possède en elle-même les fondements de sa parfaite incongruité.

Non seulement, la valeur ajoutée des réseaux sociaux est nulle mais ils encouragent les uns les autres à se comporter comme de véritables fripouilles. Leur avènement signe la fin de l’humanisme comme principe fondateur de la civilisation moderne. Il est ce concept qui permet à tout un chacun d’exprimer en toute liberté sa part la plus sombre, grouillement de pensées haineuses désormais si universellement répandues que quiconque voudrait en échapper devrait s’isoler sur une île déserte.

Regardez TikTok. Qui de sensé pourra contredire qu’elle n’est rien d’autre qu’une exaltation forcenée de la bêtise, une sorte de condensé de la connerie humaine portée à son paroxysme le plus absolu? Vous avez déjà vu, dans le métro, un de ses adeptes parcourir le fil de son compte TikTok? Une otarie atteinte d’une crise d’épilepsie possède plus de discernement. En l’espace d’une minute, il est capable de passer d’un mini-reportage sur la guerre à Gaza à la démonstration d’un chat occupé à se brosser les dents, avant de contempler un ahuri d’influenceur recommander les vertus d’une crème hémorroïdaire révolutionnaire.

X n’est guère mieux. On y livre querelle avec le narcissisme propre à un intellectuel qui n’aurait jamais ouvert un livre de sa vie. On tempête, on s’offusque, on pourfend, on incrimine, on s’indigne, on s’époumone de puérilités inconséquentes. On ne sait même pas pourquoi on se dispute de la sorte, le tout est de parvenir à se distinguer, d’aller encore un peu plus loin dans l’ignominie, de provoquer le scandale qui, plus tard, fera les choux gras de la presse à sensation, voire même de journaux plus sérieux tant la frontière entre les deux a tendance à s’estomper.

Quant à savoir si Musk fricote avec l’idéologie nazie, autant se demander si Leni Riefenstahl avait des accointances avec le Troisième Reich. Il y a des évidences qui n’ont pas besoin d’être soulignées tant elles sautent aux yeux. Le culte de la personnalité, l’exaltation de la force comme valeur suprême, l’obsession face au déclin de la natalité, les encouragements adressés ici et là à des formations politiques prêtes à succomber aux sirènes du nationalisme le plus enragé, la vulgarité à tout crin, cette sorte d’ivresse à se considérer comme le maître du monde, autant de signes qui démontrent la fascination d’Elon Musk pour les frasques et délires vus en Allemagne pendant la période nazie.

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Laurent Sagalovitsch

 

 

 

Source : Slate (France) – (Le 25 janvier 2025)

 

 

 

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