CONFLITS – Ville consacrée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1996, Chinguetti a accueilli, du 13 au 17 décembre, la 13e édition du festival des cités du patrimoine, au cœur de la Mauritanie. Placée sous le haut patronage du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, cette édition a mis en lumière la capacité du Sahel à dépasser les préjugés d’insécurité pour envisager un avenir de stabilité et de prospérité.
Au détour des dunes de l’Adrar, Chinguetti surgit comme un mirage aux contours précis. Les ruelles sinueuses bordées de maisons ocre semblent suspendues hors du temps, tandis que l’ombre des patios protège un art de vivre immémorial. Au cœur de la cité, la vieille mosquée au minaret carré se dresse avec une sobre majesté, témoin de l’âme spirituelle du lieu. Non loin de là, la nouvelle ville émerge en écho moderne, symbolisant une Mauritanie en mouvement. Cette “Sorbonne du Désert” abrite dans ses bibliothèques des manuscrits inestimables, vestiges d’une érudition médiévale où la théologie, les sciences et la littérature se rejoignent. De ces pages fragiles surgit la mémoire d’un âge d’or intellectuel, qui continue de faire de Chinguetti la « septième ville sainte de l’Islam » et un pôle de lumière au cœur du Sahara.
Ces trésors inestimables ne sont pas seulement symboles d’un passé prestigieux, mais aussi des outils de résilience face aux défis actuels. À l’instar des manuscrits, qui bénéficient de programmes de numérisation soutenus par l’UNESCO, les initiatives locales redoublent pour protéger ce patrimoine unique des ravages du temps et de l’ensablement.
Un festival au carrefour de la culture et de la résilience
C’est en toute logique que Chinguetti est l’une des quatre villes hôtes du festival des cités du patrimoine, organisé en alternance avec Ouadane, Tichitt et Oualata. Sous l’égide directe et attentive du gouvernement mauritanien, cet événement annuel tend à valoriser le patrimoine des anciennes cités historiques de la Mauritanie. Il vise à préserver ces trésors de l’humanité tout en promouvant leur rôle dans le développement économique et social du pays.
Pendant plusieurs jours, la cité est ainsi devenue le théâtre de rencontres culturelles, d’expositions, de spectacles artistiques et de compétitions sportives, le tout dans une ambiance de célébration collective. Le festival a proposé une riche variété d’activités : colloques sur la diplomatie culturelle, concours de tir à la cible, courses de chameaux, expositions d’objets artisanaux et spectacles de danses traditionnelles.
Un discours pour l’avenir de la Mauritanie
Le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a profité de l’ouverture du festival pour délivrer un discours porteur d’espoir, appelant au renforcement de l’unité nationale et de la cohésion sociale. “Nous devons construire une société réconciliée, forte de sa diversité culturelle et unie dans un avenir commun”, a-t-il affirmé.
Depuis 2019, son mandat s’est distingué par des réformes structurelles majeures. L’un de ses projets phares est le programme de développement des cités du patrimoine, doté de 16 milliards d’ouguiyas (environ 384 millions d’euros). Ce programme a permis de renforcer l’éducation, l’accès aux soins et les infrastructures essentielles. Il inclut également le soutien à l’économie locale par le financement de micro-projets, la réhabilitation des mosquées et la sauvegarde des bibliothèques de manuscrits.
La construction de la route Atar-Chinguetti, financée à hauteur de 12 milliards d’ouguiyas (environ 288 millions d’euros), est un autre symbole fort de son action. En brisant l’isolement de la ville, cette infrastructure ouvre de nouvelles perspectives économiques et touristiques. Par ailleurs, des efforts ont été menés pour améliorer l’accès à l’électricité et à l’eau potable, grâce à des puits supplémentaires et un générateur renforcé.
Le président s’est également engagé à combattre les préjugés et les discours de haine. Son appel au “changement de mentalité” souligne la volonté d’opérer une transformation des comportements sociaux, essentielle pour répondre aux défis de la mondialisation et de la révolution numérique.
Au niveau mondial, la Mauritanie s’est affirmée comme un acteur stratégique. Les partenariats conclus avec l’Union européenne se sont concrétisés par un soutien financier de 500 millions d’euros, destiné à des projets dans les transports, l’énergie et l’hydrogène vert. Ces initiatives renforcent l’attractivité du pays auprès des investisseurs internationaux.
Enfin, face à l’instabilité régionale au Sahel, la Mauritanie s’impose comme un état stable et fiable. Sa posture diplomatique, confortée par la présidence de l’Union africaine depuis février 2024, lui permet de jouer un rôle d’interlocuteur privilégié avec ses voisins et ses partenaires.
Une reconnaissance internationale affirmée
Cette édition a bénéficié d’une portée internationale renforcée par la présence de personnalités de renom. Parmi elles, Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, et Jack Lang, ancien ministre français de la Culture, ont participé activement aux échanges et discussions. Leur présence symbolise l’intérêt porté par la communauté internationale à la préservation des trésors culturels du Sahel.
Dans son discours, Audrey Azoulay a salué la “richesse exceptionnelle” du patrimoine mauritanien, réaffirmant l’engagement de l’UNESCO à soutenir la préservation des manuscrits et à accompagner la Mauritanie dans l’adaptation de son patrimoine aux défis contemporains. L’écrivain franco-camerounais Gaston Kelman et Me Jamal Taleb, ambassadeur itinérant de la Mauritanie à Paris, étaient également présents pour soutenir la cause du patrimoine mauritanien.
Au-delà des discours, la présence d’organisations internationales telles que l’UNESCO a donné une dimension diplomatique et culturelle au festival. Ces institutions ont affirmé leur engagement à renforcer la sauvegarde des villes historiques et à promouvoir leur rayonnement international. Le ministre mauritanien de la Culture, Houssein Ould Medou, a souligné que la présence de ces instances représente un “succès culturel, politique et sécuritaire” qui témoigne de la capacité de la Mauritanie à protéger son identité historique et à réaffirmer son rôle sur la scène internationale.
Anne Vergonce, envoyée spéciale
Source : CONFLITS (Revue de Géopolitique)
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