Dans l’ombre de la Russie, la Chine pousse ses pions dans les mines du Sahel

Alors que les Occidentaux ne cessent de perdre du terrain dans l’exploitation minière au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les entreprises chinoises profitent de la réorganisation du secteur afin d’extraire or, lithium et uranium. Une tendance adoubée par les juntes militaires au pouvoir.

Le Monde – Casquette avec ses cinq étoiles de général d’armée sur la tête, lunettes de soleil profilées sur le nez, Assimi Goïta déambule devant les concasseurs, les tapis roulants et plusieurs tonnes de gravats d’une roche blanchâtre contenant un métal convoité à travers le monde : le lithium. Le 15 décembre, le chef malien de la junte est à Goulamina, à environ 150 kilomètres au sud de Bamako, pour inaugurer une nouvelle usine de production de ce minerai qui sert notamment à produire des batteries électriques. Sous pression financière croissante, les militaires au pouvoir voient en ce nouveau site industriel une aubaine, un moyen de faire rentrer l’argent qui manque dans leurs caisses.

Derrière ce projet, une société chinoise, cotée aux Bourses de Shenzhen et de Hongkong, qui utilisera ce minerai pour fabriquer des batteries en Chine : Ganfeng Lithium. Comme d’autres entreprises étrangères, elle n’a pas échappé au tour de vis imposé par la junte dans le secteur minier. Depuis leur arrivée au pouvoir par un coup d’Etat, en 2020, le général Goïta et ses camarades putscho-souverainistes ont entrepris sa restructuration en adoptant un nouveau code minier. Parmi ses nouvelles dispositions : jusqu’à 30 % des parts de chaque mine pour l’Etat, une hausse importante de toutes les taxes ou encore l’obligation pour chaque société de verser ses bénéfices sur un compte bancaire au Mali.

Malgré ces mesures restrictives, Ganfeng Lithium, qui avait déjà investi plus d’une centaine de millions d’euros à Goulamina, a poursuivi son projet. A l’issue de sa visite du site, en présence de l’ambassadeur chinois et du directeur général de l’entreprise, Assimi Goïta a qualifié Pékin de « partenaire stratégique et sincère, qui est resté aux côtés du Mali dans sa lutte pour sa souveraineté économique et politique ».

Comprendre : pas comme la France, ancienne puissance coloniale devenue paria, avec laquelle la junte malienne a rompu pour s’adosser à de nouveaux alliés. La Russie, qui lui fournit une aide militaire et sécuritaire, notamment à travers le groupe de mercenaires Wagner. Mais aussi la Chine, donc, qui entend accroître ses intérêts dans le secteur minier malien et, plus largement, au Burkina Faso et au Niger voisins, deux autres pays dirigés par des militaires putschistes ayant opéré le même basculement géostratégique que leurs frères d’armes maliens.

« Ils versent des pots-de-vin importants »

Dans la foulée de l’arrivée du général Goïta aux affaires à Bamako, « la présence chinoise dans les mines d’or s’est nettement accentuée », indique un homme d’affaires malien. Des dizaines d’orpailleurs chinois, à la tête de sociétés moyennes plus ou moins structurées, ont profité de la réorganisation du secteur et du resserrement de l’étau autour des majors canadienne ou australienne historiques, telles Barrick Gold ou Resolute Mining, toutes deux soumises à de lourdes sanctions financières des autorités. « Ils se sont engouffrés dans la brèche et ont récupéré des places laissées vacantes par les miniers traditionnels », affirme un acteur du secteur malien.

Ces nouveaux orpailleurs chinois exploitent aujourd’hui des sites aurifères à une échelle semi-industrielle. Ils y travaillent légalement, grâce à des permis d’exploitation obtenus avec la bienveillance de la junte. « Ils ont les bons papiers parce qu’ils versent des pots-de-vin importants aux personnes concernées, tant au niveau national que local. Les militaires au pouvoir en profitent, à travers des intermédiaires qui touchent de l’argent pour eux », dénonce l’homme d’affaires précité.

Le quartier de Niaréla, à Bamako, illustre cette présence chinoise accrue. De nombreux commerces tenus par des ressortissants de l’empire du Milieu vendant du matériel d’orpaillage – groupes électrogènes connectés à des pompes hydrauliques, tamis, rampes de lavage, mercure… – y ont désormais pignon sur rue.

« Les Russes sont des amateurs comparés aux Chinois »

Essentiellement implantés dans les régions aurifères de l’ouest et du sud du Mali, ces chercheurs d’or chinois sont présents dans la zone de Kita, à 190 kilomètres à l’ouest de Bamako, ou encore dans celle de Kéniéba, près de la frontière avec la Guinée. L’exploitation y est facilitée par différents cours d’eau, qui permettent de laver le minerai sans gros investissements.

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Source : Le Monde  – (Le 03 janvier 2025)

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