Neuf jours après les ravages causés par le cyclone Chido dans l’archipel de l’océan Indien, l’aide commence seulement à arriver dans les quartiers les plus déshérités, où le nombre de victimes reste inconnu. – Reportage –
« Où sont passés les gens ? » La question a tout de suite occupé les esprits, après que le cyclone Chido a dévasté, le 14 décembre, l’archipel de Mayotte. Et la rumeur a vite enflé. « 60 000 morts, estimations des secouristes », a posté sur le réseau social X la chaîne Réunion la 1ère, jeudi 19 décembre, avant de supprimer la publication, démentie par le ministère de l’intérieur. Mais la question est restée entière : où sont passés les gens ? Le même jour, alors que le président de la République, Emmanuel Macron, va au contact de la foule sur la commune de Pamandzi, il est pris à partie. Devant les caméras, la députée centriste (groupe LIOT à l’Assemblée nationale) de Mayotte Estelle Youssouffa lui parle de « population clandestine ensevelie », de l’odeur des « corps en putréfaction » dans les quartiers. « On est face à des charniers, il n’y a pas de sauveteurs », assure-t-elle. Le chef de l’Etat se tourne vers le préfet du département, François-Xavier Bieuville. « Personne n’y est passé ? », demande-t-il. « Pour l’instant, on n’y est pas encore monté pour des raisons d’urgence sur les choses vitales », répond le haut fonctionnaire. Dans l’archipel dévasté, personne n’est allé dans les bidonvilles. Les services de l’Etat ont simplement fait des survols en hélicoptère. Ils sont persuadés que les corps gisent sous les tôles. Dès le 15 décembre, le préfet avait évoqué « sans doute plusieurs centaines, peut-être un millier, voire quelques milliers » de morts. « Une communication bien trop anxiogène et ne s’appuyant sur aucune donnée concrète », juge un fonctionnaire sous le sceau de l’anonymat. Symptôme d’un manque d’organisation ? D’une gestion de crise imparfaite ? Reflet des conditions qui prévalent dans le 101e département français, où un tiers de la population – les plus pauvres – vit dans des bidonvilles laissés à l’abandon ?
Kawéni est le plus grand de ces quartiers à l’habitat insalubre, au nord du chef-lieu, Mamoudzou. Comme ailleurs dans l’île remontent désormais de partout les bruits des marteaux qui enfoncent les clous dans la tôle défroissée. Les gens réhabilitent l’indignité dans laquelle ils vivaient avant le cyclone. Ont-ils le choix ? Ici, une mère jure qu’elle et ses deux fils n’ont rien mangé depuis le séisme. Ailleurs, une autre dit avoir ramassé du riz que les rafales de vent avaient dispersé. Un enfant claudique avec une plaie ouverte sur un pied enflé. Plus loin, un homme montre un pied lacéré par le métal.
Ce samedi 21 décembre, Anis Chebani revient d’une maraude dans un bidonville sur les hauteurs de Majicavo Koropa, au nord de Mamoudzou. Avec une dizaine de membres de son association Espoir Majicavo, il sillonne les venelles des bidonvilles pour « chercher les disparus » signalés par leurs familles loin de Mayotte. Lors de leur porte-à-porte, l’équipe s’aperçoit qu’« aucun sauveteur n’est venu. Et les services communaux sont totalement dépassés », déplore Farda Rachid, adhérente de l’association, mais aussi conseillère municipale d’opposition de Koungou.
« Aller au contact de la population »
Le sénateur (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants) de Mayotte Saïd Omar Oili interroge : « Lors de toute catastrophe, on voit que des secouristes et des chiens sont déployés pour des recherches. La question qui se pose : pourquoi cela n’a-t-il pas été fait ? » L’élu estime que « la gestion de cette crise est très mauvaise ».
Jusque-là, explique un cadre de la sécurité civile, « la priorité a été de s’occuper des vivants et de les mettre en sécurité ». Dès le 17 décembre, « ce sont 90 % des routes en dur qui avaient été rouvertes », assure un gendarme. Les efforts ont aussi porté sur la remise en fonctionnement de l’aéroport et des barges qui relient Petite-Terre à Grande-Terre, sur le rétablissement de l’accès aux unités de potabilisation d’eau ou sur la mise en sécurité de bâtiments risquant de s’écrouler ou de prendre l’eau.
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