ans un monde idéal, l’aide au développement n’existe pas. Dans un monde idéal, aucun enfant ne meurt dans une partie du monde d’une maladie inexistante dans une autre. Dans un monde idéal, aucun pays souverain ne dépend d’un autre pour alimenter son système de santé et préserver la vie de sa population. Mais nous ne sommes pas dans un monde idéal. D
Les critiques sont nombreuses contre les politiques de développement des pays occidentaux, et nous en partageons une grande partie : maintien d’un système de dépendance, manque de traçabilité des fonds, acteurs locaux souvent oubliés, méthodologies et systèmes d’évaluation inadaptés, coûts de gestion de programmes exorbitants, programmes standardisés et identiques quels que soient leurs destinataires, mobilisation d’une expertise exogène et surtout déconnexion et méconnaissance totale des spécificités des contextes d’intervention.
Autant de critiques qui alimentent les sentiments antioccidentaux – particulièrement anti-France – et qui sont autant de grain à moudre dans la machine des populismes, de part et d’autre de la Méditerranée.
Impossible aussi de nier ce que cette aide a permis. Des millions de vies ont été sauvées, des millions d’enfants ont pu être vaccinés, des millions de mères ont pu survivre. Par ailleurs, des emplois ont été créés, des infrastructures permettant un accès à l’eau potable et aux sources d’énergie ont été construites, de nouvelles technologies ont pu être partagées.
Conséquences délétères
Pour autant, une refonte totale du système de redistribution de ce qu’il convient de nommer solidarité internationale est nécessaire pour garantir une autonomisation toujours plus grande des pays récipiendaires.
A l’heure où la France redéfinit son budget, le gouvernement décide de couper de 34 % la partie consacrée à l’aide au développement. Elle passerait ainsi de 5,8 milliards d’euros en 2024 à 3,8 milliards en 2025, alors qu’elle ne représente que 0,6 % du budget total de l’Etat.
Il est également prévu de supprimer le Fonds de solidarité pour le développement, un dispositif qui permettait d’affecter automatiquement une partie des recettes de la taxe de solidarité sur les billets d’avion (210 millions d’euros) et de la taxe sur les transactions financières (528 millions d’euros) au financement de priorités telles que le climat, la santé mondiale ou l’éducation. Cette suppression intervient alors même que la taxe sur les billets d’avion devrait atteindre un niveau record de financement, estimé à 1 milliard d’euros.
Ces mesures prennent le contrepied total de la démarche amorcée depuis 2017 et ce désengagement aura des conséquences délétères. L’aide au développement doit être profondément repensée, oui. Mais elle ne doit pas disparaître. Certains avancent que l’existence même de cette aide revêt une forme de redevabilité. Au-delà de cela, comme le disait Aimé Césaire : « Il n’y a pas de réparation possible pour quelque chose d’irréparable et qui n’est pas quantifiable. »
Loin des populismes et du paternalisme
Nous sommes un groupe d’Africains et d’Européens, vivant sur les deux continents et pensons que la relation entre les Etats africains concernés et la France doit changer, qu’elle peut changer, et en mieux, loin des populismes et du paternalisme, dans une parfaite symétrie. Notre propos dépasse ici le cadre d’une inquiétude formulée sur des coupes budgétaires qui auront un impact direct sur des millions de gens.
Rosalie Aduayi Diop, directrice à l’Institut de population, développement et santé de la reproduction de l’université Cheikh-Anta-Diop ; Hamidou Anne, auteur, politiste ; Niagalé Bagayoko, présidente de l’African Security Sector Network ; Dougoukolo Ba-Konaré, psychologue clinicien ; Arame Gueye Sene, socio-économiste, directrice à la Social Change Factory ; Bamba Lo, entrepreneur, cofondateur de PAP’s ; Kako Nubukpo, économiste, ancien ministre togolais de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques ; Sobel Aziz Ngom, entrepreneur social, président du Consortium Jeunesse Sénégal.
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