Les pays arabes et musulmans haussent le ton contre Israël

Alors que l’Arabie saoudite et l’Iran poursuivent leur rapprochement, les Etats du Golfe ont appelé à un cessez-le-feu à Gaza et au Liban.

Le Monde  – Alors que Donald Trump finalise les contours de sa politique au Moyen-Orient pour son second mandat, les pays arabes et musulmans ont esquissé, lundi 11 novembre, à Riyad, une feuille de route commune qui appelle à un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza et au Liban et réitère la centralité de la solution à deux Etats – Israël et la Palestine – pour rétablir la stabilité dans la région.

Constatant leur impuissance à peser face à l’administration américaine du président Biden, qui s’est révélée incapable de réfréner son allié israélien dans un conflit qui a déjà fait plus de 43 000 morts à Gaza et 3 200 morts au Liban, et menace d’évoluer vers une confrontation ouverte avec l’Iran, les capitales arabes et musulmanes ont haussé le ton. Un an, jour pour jour, après un premier sommet extraordinaire consacré à Gaza, organisé sous égide saoudienne, et marqué par les divisions, les pays de la Ligue arabe et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) ont appelé à imposer un embargo sur les armes à Israël et à geler son adhésion à l’Assemblée générale des Nations unies.

Dans une déclaration commune, ils condamnent l’agression israélienne dans la bande de Gaza et son expansion au Liban, ainsi que les atteintes à la souveraineté de l’Irak, de la Syrie et de l’Iran, et critiquent l’inaction de la communauté internationale. Ils dénoncent la politique de punition collective poursuivie par Israël et l’utilisation du siège et de la famine comme armes contre les civils dans la bande de Gaza. Ils appellent la communauté internationale à prendre des mesures immédiates pour mettre fin au désastre humanitaire.

« Il y a eu un changement graduel vers un ton plus direct et plus ferme. Cela traduit un constat d’échec depuis le sommet de 2023, qui n’a rien donné, souligne Hasni Abidi, directeur du Centre d’études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen, à Genève. Les Etats arabes ont tout fait pour ne pas faire partie de ce qui se joue dans la région, mais ils subissent une fragilisation croissante, particulièrement les Etats du Golfe, l’Egypte et la Jordanie. Les opinions arabes sont choquées par leur impuissance et critiquent le silence des Etats. »

Soutien à l’Iran de Mohammed Ben Salman

Le prince héritier saoudien Mohammed Ben Salman a donné le ton dans le discours inaugural, entérinant le durcissement de la position saoudienne vis-à-vis d’Israël depuis un an. « Le royaume renouvelle sa condamnation et son rejet catégorique du génocide commis par Israël contre le peuple palestinien, qui a fait plus de 150 000 victimes, dont des martyrs, des blessés et des disparus, dont la plupart sont des femmes et des enfants », a condamné le souverain saoudien.

Alors que Donald Trump espère ajouter l’Arabie saoudite à la liste des pays – Emirats arabes unis, Bahreïn, Maroc et Soudan – qui ont normalisé leurs relations avec Israël à son initiative, durant son premier mandat, Mohammed Ben Salman fait de l’établissement d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est pour capitale, un préalable. Le prince héritier saoudien a invité d’autres nations à rejoindre l’alliance internationale pour une solution à deux Etats, qu’il a mise sur pied en partenariat avec l’Union européenne et la Norvège.

Mohammed Ben Salman a exprimé son soutien à l’Iran face à Israël, appelant la communauté internationale à « [obliger] Israël à respecter la souveraineté de la République islamique sœur d’Iran et à s’abstenir d’attaquer son territoire ». Si le souverain saoudien semble peu goûter les ambitions affichées par le premier ministre israélien à imposer par la force un « nouveau Moyen-Orient », il a dénoncé, en filigrane, l’expansionnisme iranien dans la région, par le biais de ses alliés – le Hamas palestinien, le Hezbollah libanais, les milices chiites irakiennes et les rebelles houthistes yéménites.

Eviter une escalade régionale

Le futur président Trump aura besoin de l’appui des puissances du Golfe pour mettre fin à ces conflits et préparer le « jour d’après ». Or, le Moyen-Orient qu’il retrouvera lors de son second mandat a changé. Interlocuteur privilégié du président républicain, Mohammed Ben Salman s’est détourné de la « politique de pression maximale » que Trump avait mise en œuvre contre l’Iran durant son premier mandat. Depuis la détente scellée avec Téhéran, sous l’égide de la Chine, en mars 2023, Riyad privilégie une coopération bilatérale avec l’Iran pour éviter une escalade régionale.

Lors d’un appel téléphonique, lundi, avec le président iranien, Massoud Pezeshkian – qui était représenté à Riyad par son premier vice-président, Mohammad Reza Aref, du fait d’un « agenda chargé » –, Mohammed Ben Salman a ainsi estimé que les relations entre Riyad et Téhéran étaient « à un tournant historique ». La veille, le chef d’état-major saoudien, Fayyad Al-Ruwaili, était à Téhéran pour discuter de coopération bilatérale avec son homologue iranien, Mohammad Bagheri.

Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche suscite beaucoup d’attentes. « Il y a l’espoir dans les capitales du Golfe que la relation privilégiée de Donald Trump avec le premier ministre israélien Nétanyahou, ainsi que ses méthodes transactionnelles contribueront à garantir des cessez-le-feu à Gaza et au Liban, observe Anna Jacobs, spécialiste du Golfe au sein du cercle de réflexion International Crisis Group. Il sera important de surveiller si la politique iranienne deviendra un sujet de tension entre le président Trump et le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman. »

 (Riyad – envoyée spéciale)

Source : Le Monde 

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