Ils ne tarderont pas à donner de la voix et à vitupérer contre le prix de la trahison. Le nouveau Goncourt, tel son compatriote Boualem Sansal, ne manque pas d’adversaires acharnés. Des ennemis ?
Il s’agit principalement des adeptes d’un simplisme dangereux qui veut qu’on ne dise pas du mal de son pays. Un pays curieusement rapporté aux errements de ses dirigeants et de ses extrémistes. A cette aune, quid des soutiens français au FLN, les fameux « porteurs de valises » dont certains au prix de leur vie ? Henri Alleg a-t-il eu tort d’écrire « La question » et le général de Bolardière de dénoncer la torture au diapason ? Les jeunes Américains auraient-ils dû la fermer quand leur pays déversait du napalm au Vietnam ? Kamel Daoud est tour à tour un greffier scrupuleux et un procureur implacable des failles de son « pays ». Pays dans lequel il vit. A Oran précisément, le pays de qui on sait. Le fait disqualifie les pourfendeurs potentiels des révolutionnaires à clics, stipendiés par l’étranger, des traîtres… ! Que dit donc K D?
Que, par exemple, l’Occident, « cible obsessionnelle », n’a pas le monopole du racisme et de l’intolérance. Il observe aussi que la censure religieuse, si intraitable avec la hauteur des jupes des dames, l’éclat de leur rouge à lèvres, de la longueur des mèches de leurs cheveux qui dépassent, peut être particulièrement aveugle aux abus des puissants.
Daoud est de marbre face à ceux que Fethi Benslama nomme les «surmusulmans». Il se plaît à tendre un miroir aux siens et ose des verdicts du genre : « dans les pays où ils sont minoritaires, les musulmans sont obsédés par les droits des minorités. Dans les pays où ils sont majoritaires, les minorités n’ont aucun droit ». (« Les musulmans », peut-être « des musulmans » eut-il été préférable) ou encore pourquoi dénoncer les discriminations en Occident relève-t-il du « décolonialisme » et dénoncer les discriminations dans une ancienne colonie de la trahison ?
Daoud est un peu à l’image de ces Africains Américains qui, dans un mouvement de balancier, fustigent à la fois les violences policières ciblées tout en dénonçant la culture de la violence et du machisme infusée par certains rappeurs. L’enfer, ce n’est pas nécessairement toujours les autres. Pas exclusivement.
Tijane BAL pour Kassataya.com
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