Lecture-Monde – Depuis l’antiquité à nos jours, la mer demeure un thème prépondérant dans la littérature. En prose, en poésie, vue d’un angle réaliste ou symbolique, elle ne cesse d’inspirer les plumes. Ainsi, des auteur-trices de différentes nationalités répondent à notre question « que dit la mer pour vous ? ».
Yasmine Khlat
C’était en 84, je crois. Beyrouth-Ouest était assiégée. On rencontrait en ville des silhouettes apeurées, des visages hâves. La nuit, les rues étaient totalement obscures. Mais j’allais pourtant avec deux amis – un journaliste-écrivain, Elias, et un peintre, Mahmoud, qui avait la passion des icônes – me promener en bord de mer, sur la corniche. On y croisait un vendeur ambulant de café et de thé. Sur sa charrette, une petite lampe à pétrole tanguait. On ne pouvait pas voir la mer malgré ce faible éclairage, mais on entendait sa respiration iodée et le fracas intermittent des vagues contre les rochers. En montagne, des coups sourds et de temps en temps, non loin, des rafales d’armes automatiques. Derrière nous il n’y avait que fermeture, encerclement. La seule issue était là, aveugle et musicale devant nous. La mer.
Jean-Luc Raharimanana
J’ai grandi dans une île, une île très grande où je ne voyais pas la mer tous les jours, mais on la sentait, d’une sensation que je n’ai identifiée que bien plus tard, en la quittant. L’attente des vents, l’attente des cyclones, l’attente des bruines, la couleur du ciel, l’humidité, cette sensation d’être dans l’élément de l’eau, même si on vit sur terre, hors de l’eau. Mais cette sensation aussi que la marche s’arrête face à elle, la station debout ne serait plus possible, le voyage où vous êtes maître de vos trajets, avec la seule force de vos jambes et de votre corps, n’est plus possible, vous êtes face à l’histoire de votre humanité, vous êtes face aussi à un mur qui vous isole, là, sur votre île. D’autant plus que vous êtes dans un pays, où tant de choses vous incitent à partir, la pauvreté, la violence politique, et… l’envie de découvrir autre chose, la mer vous confronte à cette idée de rester en vous, mais elle vous dit aussi, que de l’autre côté, il y a d’autres terres, d’autres mondes, d’autres gens. Il faut se laisser porter sur son dos, d’une manière ou d’une autre.
Adlène Meddi
: بقت بحور الشعر- الكامل، الرمل، الرجز، الهزج، الوافر، المتقارب، المتدارك- ميزان مقاربتي لجمال عنفواني للشعر ما قبل الاسلام. ما أسمى أن نبحر في الشعر وقوة الكلمات. البحر اتخذ اتجاهًا جماليًا وسياسيًا وملتزمًا آخر في شبابي مع قصيدة محمود درويش « مديح الظل الأخر » : بحرٌ لأيلولَ الجديدِ. خريفُنا يدنو من الأبوابِ… لقد دنا خريف الحياة في البحر في دراما شخصية، بعيداً عن بيروت والإقتحام و بإحترام نسبية الكارثة : عندما كان عمري 12 عامًا، شهدت غرق فتاة في عمري. كان البحر هادئا. لكنني فهمت قوة و قسوة البحر. إله أزرق. أبحرت في قارب صغير من عنابة إلى سردينيا، عاصفة وكارثة، والبحر الذي يقول لي سأكلك، حياتك لي. تتعلم الاحترام وصغر حجمك. بدون رجوع. لم يكن البحر عدواً ولا صديقاً. إنه يرسم الكون والحياة، متاهات القدر ومشاريع إنتهائاتنا بصمته الأزرق السماوي. لأن البحر إنعكاس السموات في حياتنا البسيطة.
Said Khatibi
: هذا البحر الذي تغنّى به شعراء، جعلوا منه مرادفاً للحبّ والحلم، لم يعد كذلك، أو لعلهم تكلّموا عن بحر آخر وليس عن البحر الأبيض المتوسط، وهو يغشاه ليل بارد، بينما في وسطه قارب مطاطي محمّل بعشرين امرأة ورجلاً وطفلاً، تُضاف إليهم صفائح البنزين للحاجة، بينما هم ممسكون بقلوبهم، يستعيدون شريط ذاكرتهم، أو يستحضرون وجوه من أحبّوهم ويطلبون منهم الصّفح في قلوبهم، خوفاً من أن تباغتهم موجة، فينقلب بهم قاربهم، ويبلعهم البحر ويصيرون عشاءً للأسماك. إن البحر بحور وأشقى البحور ذلك الذي يصل بين الجزائر وإسبانيا، الذي يركبه يافعون أو شيوخ، معافون أو مرضى، ناجحون أو خائبون، فقراء أو من ذوي نعمة، المتعلّمون أو من لم تطأ أقدامهم مدرسة، كلّهم ينوون الوصول إلى ضفته الشمالية، ولا أحد منهم يعلم إن كان سينال مبلغه أم لا، فعندما يركب أحدهم القارب، في الضّفة الجنوبية، فهو يركبه في ثوب المودّع، يجلس إلى القارب كمن يجلس منتظراً وصول حفار القبور، فهو يعلم أنه سيبُحر، لكنه لا يعلم إن كان الأجل سينتظر أم يتوفاه في الطريق
Hella Feki
Pendant mes sept années d’expatriation, je parcourus le monde pour faire de la plongée sous-marine. À Dakar, j’appris la plongée sous-marine et devins monitrice. Je prenais plaisir à guider des palanquées au large des côtes de N’Gor. Je découvrais, sous l’eau, les architectures de coraux, les poissons colorés, la lumière qui perce entre les reliefs, à quarante mètres de profondeur. Lorsque je remontais à la surface, le corps chargé d’azote, j’aimais retrouver l’aventure marine : la houle, les vagues, le vent, le courant. Les voyages pour découvrir les fonds marins se succédèrent : le Cap Vert, l’Egypte, les Maldives, Madagascar, Maurice pour nager avec dauphins et requins-baleines. Les récits de mers et d’horizons que j’avais dévorés, enfant, ceux de Jules Verne et d’Hermann Melville, me semblaient refléter l’écriture furieuse et folle de l’écrivain qui se met en quête d’un absolu. Lorsque je me rendais à l’île Maurice pour mon travail, je me levais très tôt, pour écrire quelques mots épars et voir le soleil renaître juste en face, au-dessus de l’océan. J’avais le sentiment de retrouver ma Mer, ma Méditerranée, mais à cette image se superposait la nouvelle : cette sensualité, ce jour qui s’élève avant nous, ces sons, les oiseaux, le vent, les vagues. Alors que la mer peut engloutir ses enfants en quête d’ailleurs, elle restera toujours pour moi une patrie.
Mbarek Beyrouk
Nous autres nomades du Sahara avons depuis des siècles tourné le dos à la mer. Elle nous parait l’antre sans fin d’où surgissent les démons, les envahisseurs, les esclavagistes, l’étranger sans foi qui asservit. Peuple de poètes nous ne la magnifions jamais dans nos poèmes. Sauf pour signifier l insondable. Et pourtant, moi, qui ne l’ai découverte qu’à 15 ans, j’adore ce Sahara d’eau, cette immensité qui appelle l’infini. J’ai besoin d’évasion pour écrire et pour ce faire deux portes s’ouvrent à moi : le désert ou la mer. Je les embrasse tous les deux et je passe des journées à regarder les vagues bleues qui vont et reviennent ou les dunes toutes nues et éclatantes qui ‘inondent les esprits et les cœurs par leur hautaine immobilité. La mer est une promesse jamais tenue.Elle nous appelle chaque instant dans des profondeurs que nous craignons et qui nous ensorcelle. Mer ou désert. N’est-ce pas la même immensité qui nous rappelle notre petitesse dans un univers que certaines arrogances croient avoir conquis?
Propos recueillis par TAWFIQ BELFADEL
Source : Lecture-Monde – (Le 28 août 2024)
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