Leur usage n’est plus un mystère. Il est même devenu un motif de fierté pour les rebelles du Cadre stratégique permanent (CSP), en guerre contre la junte malienne et ses supplétifs russes du groupe Wagner.
Ces dernières semaines, chaque attaque de drone sur une base de l’armée, dans le nord du Mali, est relayée sur les réseaux sociaux et saluée par les partisans de la rébellion à dominante touareg. Avec un message sous-jacent : désormais, les insurgés disposent de capacités de frappes aériennes, à l’instar de leurs ennemis. Des moyens susceptibles de changer – du moins, l’espèrent-ils – le rapport de force militaire sur le terrain.
Vendredi 4 octobre, dans la matinée, des petits drones ont largué des charges explosives sur le camp de l’armée à Goundam, dans la région de Tombouctou, qui abrite notamment des troupes de Wagner. Bilan, affirme un cadre du CSP : « au moins neuf mercenaires » du groupe russe tués.
Courant septembre, des attaques similaires avaient déjà visé le même camp de Goundam, ainsi que celui de Léré, à 150 kilomètres au sud-ouest, où sont aussi stationnés des hommes de Wagner. Le mode opératoire est le même : des drones légers quadricoptères, comportant quatre rotors, équipés d’un système de largage artisanal, lâchent de petites charges explosives sur leurs cibles depuis les airs, puis quittent la zone.
La pire défaite de Wagner
Les rebelles du CSP ont mené des frappes de drones pour la première fois lors de la bataille de Tin Zaouatine, une localité de l’extrême nord du Mali, frontalière de l’Algérie, fin juillet. Ils avaient alors tendu une embuscade à un convoi des Forces armées maliennes (FAMA) et de Wagner en plein désert, infligeant au groupe russe sa pire défaite depuis qu’il s’est déployé en Afrique, en 2017. Selon le CSP, au moins 84 de ces mercenaires et 47 soldats maliens ont été tués dans les combats. Une victoire en forme de revanche pour les rebelles, chassés de leur fief de Kidal, en novembre 2023, notamment grâce à l’appui des drones turcs Bayraktar TB2 de l’armée malienne.
Dans la foulée, Andriy Yusov, le porte-parole du service de renseignement militaire ukrainien (HUR), reconnaissait, à demi-mot, lors d’une émission sur une chaîne de télévision locale, que sa structure collaborait avec les rebelles maliens du CSP. Ils ont « reçu des informations nécessaires, et pas seulement celles qui leur ont permis de mener une opération militaire réussie contre les criminels de guerre russes », avait-il précisé, sans livrer davantage de détails. De quoi provoquer l’ire des autorités maliennes, qui, dans un communiqué, ont annoncé la rupture immédiate de leurs relations diplomatiques avec Kiev.
Depuis que le président russe, Vladimir Poutine, a décidé d’envahir l’Ukraine, en février 2022, les autorités ukrainiennes cherchent à frapper les intérêts russes partout où c’est possible. Notamment en Afrique, où Moscou a étendu son influence grâce à la nébuleuse Wagner.
Pour tenter d’affaiblir leur ennemi russe sur le continent, les services de renseignement ukrainiens se sont notamment lancés dans de discrètes opérations. En 2023, des commandos des forces spéciales ukrainiennes étaient ainsi présents au Soudan pour combattre les mercenaires de Wagner alliés aux Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti ». Dans leur arsenal, l’usage de petits drones chargés d’explosifs semblables à ceux utilisés l’année suivante par les rebelles maliens.
Formation en Ukraine
Outre le Soudan, le HUR a cherché, dès 2023, à lutter contre Wagner au Mali, nouvelle tête de pont de la présence russe en Afrique. Mais ce n’est qu’après la défaite de Kidal, en novembre de la même année, lors de laquelle les rebelles ont constaté à quel point leur infériorité matérielle, notamment aérienne, était pénalisante, que le rapprochement avec Kiev s’est accéléré.
Selon des sources concordantes, la coopération opérationnelle entre le renseignement militaire ukrainien et les rebelles maliens a démarré début 2024. Plusieurs membres du CSP se sont rendus en Ukraine – via Nouakchott, glisse une source proche de la rébellion, où une partie de son état-major politique et militaire s’est un temps réfugiée après avoir été chassée de Kidal –, afin d’être formés à la fabrication et au maniement de petits drones équipés de charges explosives, un domaine dans laquelle l’armée ukrainienne est devenue experte.
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com