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Palestine, d’une Nakba à l’autre

Orientxxi.info – L’histoire n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Dans ce focus, Orient XXI revient sur un an de guerre génocidaire à Gaza.


Dans ce texte, Mostafa Barghouthi dresse le bilan macabre de cette dernière année et annonce clairement ce qui attend les Palestiniens si rien n’est fait : l’annexion du reste des territoires occupés, la poursuite de l’apartheid et la finalisation du nettoyage ethnique. Tout en affirmant la poursuite de la résistance, « quoi qu’il en coûte ».

La guerre d’Israël contre Gaza, qui a commencé le 7 octobre 2023, n’a pas son équivalent dans l’histoire moderne. Depuis un an, Tel-Aviv commet trois crimes de guerre en parallèle : un génocide, la punition collective d’une population civile et un nettoyage ethnique.

Au cours de la première année de cette guerre dévastatrice qui s’est étendue — comme on s’y attendait — au Liban voisin, l’armée israélienne a bombardé les 2,2 millions d’habitants de Gaza, vivant sur moins de 360 km², avec plus de 83 000 tonnes d’explosifs. Cela représente 32 kg d’explosifs par homme, femme ou enfant. Pour mettre ce chiffre en perspective, 83 000 tonnes représentent quatre fois la puissance explosive de chacune des bombes nucléaires lancées sur Hiroshima et Nagasaki pendant la Seconde guerre mondiale.

Près de 80 % des habitations ont été partiellement ou totalement détruites. En Allemagne, seules 10 % des maisons avaient été détruites à la fin de la Seconde Guerre mondiale. La machine de guerre israélienne a intentionnellement démoli toutes les universités, plus de 70 % des écoles, 34 des 36 hôpitaux qui y existent, 165 établissements de santé, 80 centres de soins, 137 ambulances, 178 abris, 611 mosquées et les 3 églises de Gaza.

« Papa, est-ce que mes mains repousseront quand je serai grand ? »

 

Les bombardements ont tué jusque-là plus de 41 595 Palestiniens, auxquels s’ajoutent plus de 10 000 disparus, qui sont encore sous les décombres. Parmi ces victimes, 70 % étaient des enfants, des femmes et des personnes âgées. Près de 17 000 enfants ont été tués, dont 115 qui sont nés après le 7 octobre. Certains, comme les enfants de Mohamed Abou Al-Koumsan, ont vécu moins de trois jours. L’on se souvient du témoignage déchirant de ce père qui expliquait à quel point il avait été heureux que sa femme ait réussi à donner naissance à des jumeaux en bonne santé, pendant la guerre ; il s’était précipité pour leur obtenir des certificats de naissance, mais, de retour chez lui, il découvrait son appartement bombardé. Sa femme, ses nouveau-nés et sa belle-mère avaient péri.

Il faut ajouter à ce bilan les 96 251 Palestiniens, pour la plupart des civils, qui ont été blessés. Ce chiffre inclut 4 000 amputations, dont 1 300 enfants. Un jour de cette guerre brutale et qui semble sans fin, j’ai eu le cœur brisé en voyant à la télévision un enfant de cinq ans qui avait perdu ses deux mains demander à son père : « Papa, est-ce que mes mains repousseront quand je serai grand ? ». Le père, larmes aux yeux, ne pouvait pas dire un mot.

Fin septembre 2024, l’armée israélienne avait tué ou blessé 6,5 % de la population de Gaza. Si cela s’était produit aux États-Unis, cela signifierait proportionnellement que plus de 20 millions d’Américains ont été tués ou blessés en moins d’un an.

Cette offensive contre Gaza s’est accompagnée d’une campagne impitoyable de déshumanisation des Palestiniens. Celle-ci a été menée par le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou et le ministre israélien de l’armée Yoav Gallant, qui ont qualifié les Palestiniens d’« animaux humains ». Les fascistes Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir, tous deux précédemment accusés par la justice israélienne d’appartenir à des groupes terroristes, ont mené des campagnes visant à éliminer les Palestiniens qui, selon eux, étaient tous des terroristes, y compris les enfants.

Ne plus vivre, ne plus se soigner

 

L’armée israélienne n’a pas seulement bombardé les civils de manière indiscriminée. Elle a aussi spécifiquement ciblé le personnel médical. Au onzième mois de la guerre, plus de 880 médecins, infirmières, ambulanciers et autres professionnels de la santé ont été tués. Pire : pas moins de 200 professionnels de la santé ont été arrêtés et torturés, parfois jusqu’à la mort. Parmi eux, Adnan Al-Bursh et Iyad Rantissi, anciennement chefs du service de chirurgie orthopédique à l’hôpital Al-Shifa et du service d’obstétrique et de gynécologie de l’hôpital Kamal Edwan, ont été torturés à mort dans les prisons de Sde Timan et d’Ofer.

Conséquences de ces attaques contre les installations médicales et sanitaires : sur les 95 000 blessés, au moins 25 % risquent de mourir faute de traitements appropriés, et ne peuvent pas recevoir de traitement médical adéquat en raison du refus d’Israël de les autoriser à quitter la bande de Gaza.

Car Tel-Aviv n’a pas seulement mené un génocide par des bombardements. Il a également permis une explosion d’épidémies et de maladies en privant la population de nourriture, d’une alimentation appropriée, d’eau propre et de toutes les formes d’énergie telles que l’électricité et le carburant. Selon Palestinians Medical Relief Society (PMRS), qui gère les opérations médicales à Gaza et fournit un traitement médical à environ 200 000 patients par mois, il y a, jusqu’en septembre 2024, 1 737 524 personnes souffrant de maladies infectieuses à la suite de leur déplacement1, dont 112 000 atteintes d’une épidémie d’hépatite infectieuse, 3 500 enfants souffrant de malnutrition sévère, des centaines de milliers souffrant de maladies de la peau, notamment de gale et d’impétigo2, plusieurs enfants atteints de méningite et 6 cas de poliomyélite présumée, en plus d’un cas confirmé. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été obligée de mener une nouvelle campagne de vaccination contre la poliomyélite sous les bombardements israéliens, car Nétanyahou a refusé d’autoriser un cessez-le-feu humanitaire, même pour quelques jours.

 

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Mostafa Barghouti

Responsable politique palestinien, secrétaire général de l’Initiative nationale palestinienne

 

 

 

 

Source : Orientxxi.info   – Le 02 octobre 2024

 

 

 

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