Quand être laid vous rendait hors-la-loi

Aux États-Unis, la dernière arrestation a eu lieu en 1974.

Slate – On sait que la beauté donne un avantage dans le relationnel, le professionnel et le scolaire. Mais il fut un temps, aux États-Unis, où l’apparence pouvait carrément vous exclure de l’espace public. San Francisco (Californie) devient ainsi en 1867 la première ville à criminaliser le fait d’être «malade, estropié, mutilé ou déformé de quelque manière que ce soit au point d’être disgracieux ou dégoûtant» sur la voie publique. Un type de législation que l’on retrouve par la suite à Chicago (Illinois), Portland (Oregon), la Nouvelle-Orléans (Louisiane), ou en Pennsylvanie.

En vigueur jusque dans les années 1970, ces «lois antilaids» ciblent principalement les personnes en situation de handicap et les sans-abris. Elles s’inscrivent dans une volonté plus large de réguler le comportement des citoyens en public et d’affirmer des normes sociales, alors que l’exode rural et la croissance démographique engorgent les villes. De telles lois sont d’ailleurs souvent couplées avec d’autres restrictions sur l’immigration, l’intégration raciale, et le vagabondage, précise Susan Schweik, autrice de The Ugly Laws Disability in Public.

Cette législation a des conséquences très concrètes. Les vendeurs ambulants, mendiants et artistes handicapés se voient privés de leurs revenus après avoir été chassés de l’espace public. Des mesures justifiées tantôt au nom de la santé publique, car on croit à l’époque que voir une personne handicapée peut rendre malade, tantôt par l’argument que certains faux handicapés soutirent de l’argent aux passants en se grimant en mendiant.

Mais c’est bien le dégoût qui motive principalement les «lois antilaids». On considère alors le handicap comme un problème médical à résoudre plutôt que comme une part d’identité à protéger de toute discrimination. «Quand vous vous rendez à un dîner, allez voir votre bien-aimée, ou que vous concevez un poème dans votre imaginaire, il n’est pas agréable d’être confronté à une vision détestable», écrit ainsi Junius Henri Browne, journaliste à New York.

Un héritage toujours perceptible

 

«Ces lois ne visaient pas des gens comme Franklin Roosevelt [l’ancien président était atteint de poliomyélite, ndlr], confirme Susan Schweik. Leur but était évidemment de décourager les personnes en situation de handicap d’être dans la rue à demander de l’argent.» Du côté des soutiens de ce genre de lois, on pense qu’orienter ces personnes vers des institutions leur donnera accès à de meilleurs soins. En fait, une telle approche ne fait que les marginaliser davantage en les isolant du reste de la société et leur retirant leur liberté.

Mais tout le monde ne se range pas derrière les «lois antilaids». Certains maires prennent des arrêtés pour autoriser spécifiquement les personnes handicapées à paraître dans la rue. Parfois, ce sont même les passants qui rétablissent la justice en empêchant la police de procéder aux arrestations. En 1936 par exemple, Ben Lewis, un mendiant noir et amputé, est défendu d’une vingt-huitième interpellation par quatre témoins qui attaquent le policier, et des centaines d’autres sympathisants qui se sont arrêtés pour protester.

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Repéré sur National Geographic

 

 

Matthias Troude

 

 

 

Source : Slate (France)

 

 

 

 

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