Lecture-Monde – Le magazine Lecture-Monde vous offre un excellent entretien avec le romancier mauritanien de langue française Mbarek Beyrouk.
Lecture-Monde : Vous êtes né en Mauritanie et vous y avez grandi; comment est venue votre rencontre avec la langue française ?
Mbarek Beyrouk : Je suis né à la fin des années 50 dans un milieu plutôt évolué pour l’époque. Mon père était instituteur et mes oncles jouaient un rôle politique important dans les milieux anticolonialistes. Comme tous les Mauritaniens, j’ai d’abord fréquenté l’école coranique , je suis ensuite allé au milieu des années soixante dans une école publique où le français était encore fort présent mais ma véritable rencontre avec cette langue ce fut quant au début de mon adolescence mon père m’offrit un roman que je passai deux mois à rabâcher; c’était Les misérables de Victor Hugo. J’en suis sorti avec une passion qui ne s’est jamais éteinte pour Victor Hugo et pour la littérature française.
Lecture-Monde : Quel est votre ressenti en écrivant en français ?
Mbarek Beyrouk : Mon ressenti ? Non, je n’ai pas vraiment le sentiment de m’être éloigné de moi-même. Certes je suis de culture arabe, hassanophone si vous voulez, je tiens beaucoup à ma culture , aux traditions des miens, à notre poésie, à nos littératures, et d’ailleurs cela se retrouve très clairement dans ce que j’écris, mais je ne me sens pas exilé en français; je crois que j’ai adapté cette langue à mon ressenti culturel. J’aime d’ailleurs dire que je ne me veux pas francophone mais plutôt francoscribe, car le français est ma langue d’écriture et de lecture encore, mais dans la vie de tous les jours c’est seulement ma langue maternelle que j’utilise, à la maison, avec ma famille, mes enfants, mes amis, et même dans la majeure partie de mes relations de travail.
Lecture-Monde : Vos romans sont pleins de poésie ; pourquoi cette passion pour le poème? Et pourquoi faire la poésie au sein de la prose au lieu de publier un recueil poétique ?
Mbarek Beyrouk : Je suis d’une culture où littérature et même la culture veulent dire poésie. Les nomades ont toujours magnifié la poésie et adoré les poètes. Il fallait pour être considéré comme un « gentleman » du désert savoir composer des vers. Tout le monde s’y mettait donc. Et les assemblées de poésie pullulaient. On dit parfois de nous que nous sommes « le peuple d’un million de poètes » , poésie hassaniya –idiome arabe- d’abord et poésie classique – trop classique d’ailleurs. Je confonds peut-être dans mes romans poésie et prose ; mais j’aime raconter des histoires et j’aime la poésie, pourquoi se priver alors ?
Propos recueillis par TAWFIQ BELFADEL
Source : Lecture-Monde – (Le 05 septembre 2021)
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