Sénégal : confrontée à de nombreux défis, la presse déplore le manque de soutien des nouvelles autorités

Alors que l’ancien président Macky Sall avait annoncé que l’Etat effacerait l’ardoise des journaux vis-à-vis des impôts, le nouveau pouvoir, lui, multiplie les contrôles fiscaux et les mises en demeure de paiement.

Le Monde  – Ce sont deux petites institutions qui ont disparu cette semaine des étals des vendeurs de journaux au Sénégal. Stades et Sunu Lamb (« notre lutte », en wolof) étaient deux quotidiens sportifs, le second entièrement consacré à la lutte traditionnelle. « J’ai suspendu la parution, ce n’est pas un arrêt total », espère Mamadou Ibra Kane, directeur des deux titres qui employaient une vingtaine de journalistes, et président du Conseil des éditeurs et diffuseurs de presse du Sénégal.

Ses journaux, créés respectivement en 2003 et 2004, étaient pourtant tirés à 15 000 exemplaires. « Mais on ne faisait plus assez d’argent. Les patrons de presse sont livrés à eux-mêmes. Le secteur n’a jamais reçu de réel soutien des gouvernements successifs, mais là, avec les nouvelles autorités, c’est encore plus dur… »

Dans un communiqué publié mardi 6 août, la Coordination des associations de la presse (CAP) a prévenu que d’autres fermetures pourraient suivre et que des pertes d’emplois sont inévitables. Le groupement professionnel le concède : le nouveau pouvoir a trouvé « un secteur à l’agonie ». Mais pour plusieurs patrons de presse, les autorités actuelles se montrent particulièrement insensibles à leur sort.

Voire hostiles, affirme un directeur de quotidien qui préfère rester anonyme : « Le nouveau premier ministre, Ousmane Sonko, a une dent contre des journaux dont il considère qu’ils l’ont accablé quand il était opposant ou qu’ils défendaient le président sortant Macky Sall. » Et de citer une longue liste de tracas récents : « Des contrôles fiscaux, des mises en demeure de paiement… »

Lors d’un meeting le 9 juin, Ousmane Sonko avait bel et bien visé les entreprises de presse, soulignant que leurs impôts impayés pourraient être assimilés à des détournements de fonds. Le président sortant, Macky Sall, avait pourtant annoncé en mars, à une semaine de l’élection présidentielle, que l’Etat effacerait l’ardoise fiscale en guise de soutien à un secteur en souffrance. Une promesse que le nouveau pouvoir ne s’est pas senti tenu d’honorer.

Si défiance il y a entre le président Bassirou Diomaye Faye, son premier ministre Ousmane Sonko et la presse, elle semble s’appliquer à tous de manière indiscriminée. Walf, quotidien sérieux et réputé proche des vues du duo exécutif, a été récemment obligé de négocier dans la panique avec l’administration après que ses comptes bancaires ont été saisis. L’entreprise s’en est sortie en versant un acompte aux impôts et en s’engageant à respecter un moratoire de paiement.

Cheikh Niasse, le patron du groupe qui édite Walf, souligne avec un certain calme : « On peut espérer que la brouille entre les médias et le pouvoir ne dure pas. D’Abdoulaye Wade [2000-2012] à aujourd’hui, l’installation d’un nouveau régime a toujours été un moment de tension avec les médias, entre les velléités de contrôle d’un côté et les premières critiques de l’autre… »

Un lectorat vieillissant

Mais plus encore que contre les contrôles fiscaux, les professionnels fulminent face à la suspension des conventions commerciales qui les liaient aux structures publiques. Ironie du sort : la direction des impôts qui hante aujourd’hui les médias était jusque-là un annonceur fidèle.

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  (Dakar, correspondance)

Source : Le Monde

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