Veillée d’armes au Proche-Orient

L’Iran et ses alliés ont multiplié les menaces contre Israël après l’assassinat ciblé qui a tué Ismaïl Haniyeh, le chef du bureau politique du Hamas, à Téhéran. Les Etats-Unis ont annoncé renforcer leur dispositif militaire dans la région.

Le Monde  – Existe-t-il encore, au Proche-Orient ou ailleurs, un acteur en mesure de freiner la course vers la confrontation aux conséquences incalculables qui menace d’éclater entre Israël et l’Iran, appuyé par ses alliés de l’« axe de la résistance » ? Il est permis d’en douter, alors que la perspective de frappes iraniennes d’ampleur contre l’Etat hébreu semble entrée dans un compte à rebours.

Depuis l’assassinat à Beyrouth, mardi 30 juillet, d’un haut responsable militaire du Hezbollah libanais (allié de Téhéran), Fouad Chokr, puis celle, quelques heures plus tard, du chef du bureau politique du Hamas palestinien, Ismaïl Haniyeh, dans la capitale iranienne, l’Iran et le Hezbollah, appuyés par leurs alliés – houthistes du Yémen, milices pro-iraniennes de Syrie et d’Irak –, annoncent travailler à une riposte d’ampleur contre Israël, susceptible d’entraîner des destructions et un niveau de réplique de la part de l’Etat hébreu d’un niveau inédit.

Les Etats-Unis ont annoncé renforcer leur dispositif militaire dans la région, autant pour s’employer à défendre Israël et menacer l’Iran que pour maintenir des capacités d’évacuation de leurs ressortissants.

Dans un ultime effort diplomatique, la Jordanie a dépêché, dimanche 4 août, son ministre des affaires étrangères, Ayman Safadi, à Téhéran, pour délivrer au nouveau président, Masoud Pezeshkian, un message de retenue de la part du roi Abdallah II. Sa visite, la première d’un haut responsable jordanien en Iran depuis 2015, traduit l’inquiétude des pays arabes de la région face à l’escalade. L’Iran insiste sur sa volonté de rapprochement avec ces pays, mais la riposte que prépare Téhéran risque d’obliger certains d’entre eux à sortir, une nouvelle fois, de la neutralité qu’ils cherchent à maintenir depuis le début du conflit dans la bande de Gaza, en octobre 2023.

Une « riposte inéluctable »

 

Depuis la fin du deuil national de trois jours décrété par l’Iran en hommage à Ismaïl Haniyeh, tué à Téhéran dans une opération non revendiquée mais attribuée à Israël, la République islamique multiplie les menaces. Samedi, la représentation de l’Iran auprès des Nations unies a dit s’attendre à ce que le Hezbollah frappe « en profondeur » le territoire israélien et « ne se limite pas aux cibles militaires ». Cela signifie que des villes et des infrastructures pourraient être visées. Quant au chef du Parti de dieu libanais, Hassan Nasrallah, il a parlé d’une « riposte inéluctable ». Le quotidien ultraconservateur iranien Kayhan évoquait, samedi, la possibilité de viser Tel Aviv, le port de Haïfa ou des sites stratégiques, le tout accompagné d’« opérations spéciales ».

Au-delà de la guerre psychologique, les intentions de frapper durement sont prises au sérieux par de nombreuses sources sécuritaires et diplomatiques. « L’Iran semble déterminé à riposter malgré la forte probabilité que cela débouche sur une guerre majeure », estime Hamidreza Azizi, chercheur à l’institut de recherche Stiftung Wissenschaft und Politik, à Berlin. « En avril [lors de frappes contre Israël], l’objectif de l’Iran était d’envoyer un avertissement, aujourd’hui, l’objectif est la dissuasion », poursuit le chercheur, estimant, comme d’autres sources spécialistes de ce dossier, que Téhéran, cette fois, pourrait ne pas donner d’avertissement « discret » préalable à la riposte.

Selon le chercheur, le régime iranien considère que l’élimination d’Ismaïl Haniyeh constituait « une provocation délibérée d’Israël » et que « le gouvernement Nétanyahou veut une extension de la guerre pour prolonger le conflit à Gaza après l’élection américaine et obtenir plus de soutien de ses alliés occidentaux ». Dans cette perspective, la manœuvre consisterait, pour Téhéran, à « répondre aussi fort que possible pour remettre la balle dans le camp israélien et lui faire assumer les conséquences de poursuivre la guerre ou non », estime Hamidreza Azizi, qui redoute cependant une escalade qui viendrait brouiller tous les calculs : « L’attaque du 13 avril n’a pas été dissuasive, donc l’Iran doit aller au-delà, ce qui veut dire cibler des sites stratégiques, sans se soucier d’éviter des morts civiles ou même que cela puisse mener à une guerre, car il estime la guerre inévitable. »

Préparatifs en vue de frappes

 

En avril, l’assassinat, à Damas, d’un haut responsable du corps des gardiens de la révolution (l’armée idéologique du régime iranien) avait entraîné une série de frappes iraniennes vers le territoire israélien. Dans la nuit du 13 au 14 avril, environ 300 drones et missiles avaient été tirés. Presque tous avaient été interceptés grâce, notamment, à la constitution d’une coalition de défense. La réplique d’Israël avait ensuite été mesurée. La démonstration semblait alors avoir été faite que nul, au fond, ne voulait d’une guerre régionale et que l’objectif prioritaire des pays de la région était de restaurer leur capacité de dissuasion à l’égard de leurs ennemis.

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 (Jerusalem , correspondant) et  (Beyrouth,

Source : Le Monde 

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