Maroc aurait pris commande de deux exemplaires du satellite Ofek 13, conçu par l’entreprise publique Israel Aerospace Industries (IAI). Evalué à 1 milliard de dollars (près de 920 millions d’euros), ce contrat de défense est présenté comme le plus important jamais signé par le royaume chérifien avec l’Etat hébreu, les deux pays ayant normalisé leurs relations en 2020.
– L’information n’a fait l’objet d’aucune communication officielle, mais selon le journal israélien Calcalist, leSi elle a été révélée en mars par l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), la vente n’aurait été actée qu’en juin, selon nos informations, après que le président d’IAI et ancien ministre israélien de la défense Amir Peretz s’est rendu au Maroc avec un avion privé en provenance de Tel-Aviv, les liaisons commerciales aériennes directes entre les deux pays étant suspendues depuis les attaques terroristes du Hamas, le 7 octobre 2023.
Qualifié de « satellite de renseignement » par la NASA, l’Ofek 13 est le dernier-né d’une famille de onze satellites légers de surveillance en orbite basse, développés et construits en Israël à partir de 1988. Prévu pour être livré au Maroc d’ici cinq ans, il pourrait remplacer les satellites Mohammed VI-A et Mohammed VI-B, dont le Maroc avait fait l’acquisition auprès de la France en 2013, en marge d’une visite d’Etat du président François Hollande.
Fabriqués par Airbus et Thales, ces satellites de reconnaissance, dérivés des satellites d’imagerie spatiale à haute résolution Pléiades, avaient été placés en orbite en 2017 et 2018 pour une durée de vie estimée à dix ans. Le programme, qui incluait les lancements, les systèmes de réception au sol et de traitement des images, ainsi que la formation des ingénieurs marocains, avait été chiffré par le Sipri entre 500 et 585 millions d’euros.
Deux fois plus élevé, le coût des satellites Ofek 13 s’expliquerait notamment par les technologies qui y sont embarquées. Non pas les capteurs optiques dont sont dotés les satellites français, mais des capteurs radars à synthèse d’ouverture, dont l’utilisation est possible de jour comme de nuit, quelles que soient les conditions météorologiques. Lors de son lancement, en mars 2023, l’Ofek 13 avait ainsi été décrit par le ministère israélien de la défense comme « le satellite le plus avancé de sa catégorie ». « Il permettra de collecter des informations par tous les temps et dans toutes les conditions de visibilité, améliorant la qualité de nos renseignements stratégiques », avait ajouté la présidence d’IAI.
Menace terroriste
Exploité par l’unité spéciale de renseignements 9900, qui est chargée, selon Tsahal, de « sélectionner des matériaux visuels pour permettre à ceux qui planifient une mission d’obtenir les meilleures données des zones concernées », l’Ofek 13 a servi ces derniers mois à identifier des tunnels et des caches d’armes dans la bande de Gaza, les images obtenues étant modélisées en 3D pour permettre une compréhension la plus réaliste possible de l’environnement.
Le prédécesseur de l’Ofek 13, lancé en 2020 et qui offre une résolution pouvant atteindre 50 cm pour un cliché pris à 600 km de hauteur, a quant à lui été utilisé en Syrie. « Il n’y a presque aucune opération de l’armée de l’air, des unités spéciales et des services de renseignement israéliens qui ne reçoivent les images de ces satellites », se félicitait en 2020 Shlomi Sudri, le directeur de la division aérospatiale d’IAI.
L’usage des satellites Ofek 13 par le Maroc sera principalement civil, nuance Abdelhamid Harifi, administrateur du forum militaire FAR-Maroc, qui précise que leur financement sera prélevé directement sur le budget de l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie (ANCFCC).
Mais une application dans le domaine de la défense est de toute évidence envisagée compte tenu des « menaces » qui pèsent au sud du Maroc, prévient l’analyste. L’attaque du Front Polisario à Smara, une localité du nord du Sahara occidental, qui avait fait un mort et trois blessés après des tirs d’obus dans la nuit du 28 au 29 octobre 2023, avait soulevé des interrogations sur les capacités de l’armée marocaine à identifier les mouvements des forces indépendantistes.