Pour piéger les hommes infidèles, les femmes s’unissent sur internet

Partant d'une bonne intention, ces initiatives solidaires peuvent porter atteinte à la vie privée.

Slate – «Bonjour, est-ce que certaines d’entre vous connaissent un certain Julien*, 47 ans, cheveux bouclés, grand de taille ? J’ai de gros doutes», s’inquiète Sylvie*. Comme plus de 7.000 femmes, elle est membre du groupe Facebook «Est-ce qu’on date le même me c?». La page, qui a tout juste un an, se décrit comme un espace sécurisé dédié aux femmes.

L’idée est simple : chacune d’entre elles peut poster un message de signalement à propos d’un homme, pour avertir les autres de certains comportements dangereux ou obtenir des informations. Dans la description, les administratrices du groupe mettent un point d’honneur à respecter l’anonymat de toutes les personnes mentionnées. Elles le soulignent: l’objectif «est de cultiver une atmosphère d’émancipation féminine, d’acceptation et de soutien».

Dans leur grande majorité, les membres sont, tout comme Sylvie, des femmes questionnant la fidélité de leur partenaire. Dans les commentaires sous son post, la jeune femme détaille plus amplement la situation: «Il répond beaucoup moins que d’habitude, il part souvent en déplacement professionnel, enfin voilà, c’est bizarre.» Bingo : une infirmière du même département semble reconnaître le profil.

Un autre cas de figure existe: celles qui postent un message pour alerter sur les comportements toxiques des hommes dont elles ont croisé la route. «Attention, les filles, si vous rencontrez un certain A., pompier, habitant à Carcassonne: il est marié, c’est un gros menteur», s’énerve Cécile*. Depuis quelque temps, les initiatives de ce type fleurissent sur les réseaux sociaux.

Liberté, égalité, sororité

Certaines postent un message sur un groupe Facebook comme celui-ci, d’autres filment la chambre de la personne qu’elles côtoient pour s’assurer que personne ne la reconnaît, ou publient les messages privés reçus en demandant: «Regardez s’il y a le pseudo de votre petit ami.» Mais ce qui marche le mieux, ce sont les «live tests». À la demande des femmes, une internaute éprouve en direct la loyauté de leur compagnon.

Becca Moore, influenceuse américaine comptant plus d’un million d’abonnés, fait partie de celles qui ont lancé le mouvement «Testing your boyfriend» («Tester votre petit ami», en français), dès 2020. «Cela se passe comme ceci: une femme, préoccupée par le comportement de son petit ami, demandera à Moore de le mettre à l’épreuve et de se glisser dans ses DM avec un “salut, salut” affectueux», explique le médium en ligne américain Elite Daily, qui a pu interviewer la jeune femme.

Pour de nombreuses femmes interrogées, ces actions sont fondées sur une volonté de s’entraider et «d’arrêter de se faire prendre pour des connes», explique Julie*, 32 ans. La jeune ingénieure raconte que, depuis le mouvement #MeToo, elle a pris conscience de l’impact que les femmes pouvaient avoir si elles décidaient d’être solidaires. «Pendant longtemps, et on le voit encore chez la génération de nos parents, lorsque l’homme était infidèle, on pointait du doigt la maîtresse, indique-t-elle. Nous, on veut sortir de ce schéma-là.»

Aujourd’hui, les femmes trompent toujours moins que les hommes, mais beaucoup plus qu’avant (38 % des femmes ont eu un rapport sexuel avec une autre personne que leur partenaire en 2022, contre 46% pour les hommes, selon Satista). Si les comportements infidèles ont tendance à devenir non genrés, le stéréotype sexiste de la «femme tentatrice briseuse de ménages» a la peau dure et participe à maintenir une certaine rivalité entre les femmes.

«En régime patriarcal, dans une société dominée par les hommes, le lien entre les femmes est vécu comme un acte de trahison. Tout est fait pour que, précisément, les femmes ne montrent jamais de solidarité et, au contraire, se construisent en rivales», soulignait Alice Coffin, journaliste, militante féministe et LGBT+, élue écologiste depuis 2020 au Conseil de Paris, au micro d’Europe 1. Face à ce constat, Julie et d’autres expliquent vouloir changer cela et «faire preuve de sororité».

Un mode opératoire questionnable

Depuis quelque temps, le concept de sororité est partout. Sur les réseaux sociaux, en titre des nouveaux écrits féministes, à l’université, en politique et dans la rue. Pourtant, le mouvement ne date pas d’hier. L’idée de sororité apparaît, en France, dans les années 1970. Elle est utilisée par les féministes de l’époque, afin de faire entrer dans le langage commun l’équivalent féminin de «fraternité».

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Lola Buscemi — Édité par Louis Pillot

 

 

 

 

 

Source : Slate (France)

 

 

 

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