France – Le risque de la paralysie dans une Assemblée nationale sans majorité

L’Assemblée se retrouve sans majorité, divisée en trois blocs de taille comparable, entre le Nouveau Front populaire (182), la coalition présidentielle (168) et l’extrême droite (143). Une situation inédite sous la Vᵉ République.

Le Monde  – « Une nouvelle ère commence. » Gabriel Attal, premier ministre démissionnaire, a dû se rendre à l’évidence. Le résultat des élections législatives, dimanche 7 juillet, a précipité la chute du macronisme majoritaire et l’avènement d’un pouvoir parlementaire prêt à s’émanciper de la tutelle de l’exécutif. Le paysage politique poursuit sa recomposition alors que la percée sans précédent du Rassemblement national (RN) et de ses alliés au premier tour des élections législatives anticipées a finalement été enrayée par la mécanique du front républicain.

L’Assemblée nationale se retrouve sans majorité, divisée en trois blocs de taille comparable, entre la gauche (182), la coalition présidentielle (168) et l’extrême droite (143). Les Républicains (LR), eux, résistent avec leurs 45 élus, malgré cette tripolarisation aux effets centrifuges.

Inédite sous la Ve République, cette configuration parlementaire est pourtant la norme dans de nombreuses démocraties parlementaires européennes, à l’instar de l’Allemagne, de l’Espagne, de l’Italie ou de la Belgique. « Le centre de gravité du pouvoir sera (…), désormais, plus que jamais, entre les mains du Parlement », a affirmé Gabriel Attal, enjoignant à la représentation nationale d’« inventer quelque chose de neuf, de grand, d’utile ». La coalition présidentielle ressort laminée d’une dissolution de l’Assemblée nationale qu’elle n’a pas digérée. Le parti présidentiel Renaissance revient au Palais-Bourbon avec 102 de ses élus, le MoDem avec 33 élus et Horizons avec 25 élus.

A la surprise générale, l’alliance de la gauche, sous la bannière du Nouveau Front populaire (NFP), obtient le plus grand nombre de sièges dans l’Hémicycle, avec 182 élus. Après une campagne fondée sur la logique unitaire, bâtie dès le lendemain de la dissolution, au nom du barrage contre l’extrême droite, les rapports de force à gauche ont été profondément remaniés. La France insoumise (LFI) reste la formation la plus nombreuse avec 74 députés et trois dissidents. Mais le Parti socialiste est parvenu à doubler ses effectifs (59 élus). Les écologistes obtiennent 28 députés et les communistes 9.

Un autre exercice du pouvoir

 

Le NFP supplante le Rassemblement national (RN) qui s’attendait à ravir la place de première force politique à l’Assemblée. Dans ce scrutin majoritaire à deux tours, le parti d’extrême droite et son allié, Eric Ciotti, se sont retrouvés sans réserve de voix suffisantes au second tour, après une campagne marquée par les profils de ses candidats racistes, xénophobes, antisémites et homophobes. Qu’importe l’échec pour Marine Le Pen, « la marée monte. Elle n’est pas montée assez haut cette fois-ci, mais elle continue à monter et, par conséquent, notre victoire n’est que différée ».

Si l’extrême droite n’est plus en capacité de ravir Matignon, aucun autre bloc ne peut prétendre gouverner à lui tout seul. De ce constat d’une majorité introuvable à l’Assemblée nationale découlent deux conclusions relayées, dès dimanche soir, par les responsables politiques. D’un côté, ceux qui estiment que la France court le risque d’être au mieux paralysée, au pire ingouvernable. « L’absence de majorité et l’absence de gouvernement exposeraient la France et les Français à des dangers redoutables », a estimé l’ancien premier ministre Edouard Philippe.

De l’autre, ceux qui y voient l’occasion d’un autre exercice du pouvoir, plus horizontal, moins concentré entre les mains d’un seul homme. « L’exécutif sera désormais l’exécutant des députés, a dit l’eurodéputé socialiste Raphaël Glucksmann, c’est la fin du jupitérianisme de la Ve République. Nous sommes dans l’obligation de nous comporter en adulte, et c’est fini les gouvernements de 49.3. »

En dissolvant l’Assemblée nationale, le 9 juin, dans la foulée des élections européennes, le chef de l’Etat, Emmanuel Macron, entendait procéder à une « clarification ». A ses yeux, l’« équation parlementaire » était devenue « intenable » face au tumulte des élus « insoumis » et à l’absence de lisibilité de ses réformes. Mais la crise était davantage politique qu’institutionnelle. Le président de la République entendait surtout se prémunir de la menace imminente d’une motion de censure des LR sur le budget, à l’automne, qui aurait dû être adoptée une nouvelle fois par le 49.3 pour remédier à son absence de majorité.

Dix groupes parlementaires au moins

 

Cette dissolution décidée contre l’avis de son propre camp sonne le glas de sa pratique du pouvoir, à la fois solitaire et verticale. Impossible pour lui de ressusciter sa majorité par des artifices constitutionnels ou par une série de débauchages individuels. La marche est devenue trop haute, avec une centaine de députés en moins pour son camp. Le fait majoritaire, matrice de la Ve République, est devenu dysfonctionnel. A cela s’ajoute l’impossibilité pour M. Macron de dissoudre l’Assemblée pendant les douze prochains mois, conformément à l’article 12 de la Constitution. Un point déterminant puisque les députés peuvent censurer le gouvernement sans craindre la dissolution.

Dimanche soir, l’Elysée a fait savoir qu’Emmanuel Macron ne nommerait pas un nouveau premier ministre dans l’immédiat. Le chef de l’Etat a dit vouloir attendre que l’Assemblée nationale « se structure » avant de nommer un nouveau chef du gouvernement. Gabriel Attal devrait gérer les affaires courantes et assurer ainsi la continuité de l’Etat avec son équipe gouvernementale, durant les Jeux olympiques. Une manière pour le chef de l’Etat de temporiser alors qu’il n’est soumis à aucun délai constitutionnel pour confier à un nouveau premier ministre la formation d’un gouvernement.

Contraint de sauver ce qu’il reste de son quinquennat, Emmanuel Macron explore la potentialité d’une coalition avec d’autres forces politiques. Mais la tâche s’annonce ardue, au vu de l’homogénéité des quatre blocs et du rejet des partis à l’égard de toute initiative macroniste, après une campagne particulièrement virulente. « Le “en même temps” est mort ce soir, et tous ceux qui voudront le prolonger dans le dos des électeurs seront discrédités demain », a vitupéré Laurent Wauquiez (LR), élu en Haute-Loire. Quand le leader de LFI, Jean-Luc Mélenchon, a exhorté Emmanuel Macron à « appeler le Nouveau Front populaire à gouverner » sur « tout son programme ». Le camp présidentiel, qui risque l’explosion à tout moment, reste peu allant envers ses adversaires.

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Source : Le Monde

 

 

 

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