So Foot – L’image est dingue, car inédite pour ceux qui n’ont connu que le siècle en cours : Mike Maignan et Theo Hernandez sautant l’un sur l’autre pour se taper le torse, après avoir vu l’équipe de France triompher dans une séance de tirs au but. Plus dingue, encore : l’historique dans l’exercice des cinq tireurs tricolores, passés à la postérité contre le Portugal et, pourtant, ce n’était pas gagné.
À eux cinq, hors TAB, Ousmane Dembélé, Youssouf Fofana, Jules Koundé, Bradley Barcola et Hernandez comptent neuf penaltys tirés en carrière (3 pour le premier cité, 6 pour le dernier). Sur le bord du terrain, dans leurs doudounes, Kylian Mbappé, Antoine Griezmann et Olivier Giroud, fou de rage de ne pas avoir pu entrer pour participer à la fête quelques minutes plus tôt, ont à peine eu le temps de penser qu’ils auraient fait mieux, avec leurs 126 penaltys dans leurs bagages à eux trois.
« Les gars ont super bien tiré, souriait le capitaine français en zone mixte. Je comprends maintenant les gens qui sont dehors et qui vivent ça, c’est comme si nous on était un peu dehors, quoi. » C’est pour l’instant l’histoire racontée par les Bleus durant cet Euro bizarroïde, qui voit une équipe incapable de marquer elle-même dans le jeu se retrouver dans le dernier carré : les leaders sont effacés, hors du coup. Ce sont les autres, cette fois, qui prennent un peu la lumière.
L’Euro des autres
Ce n’est pas une particularité française, mais plutôt une tendance dans ce championnat d’Europe, où les stars brillent par intermittence ou ne brillent pas du tout ; où les capitaines comme Harry Kane, Cristiano Ronaldo, Álvaro Morata et bien sûr Mbappé ne tirent pas forcément leurs équipes vers le haut ; et où le collectif, le groupe, la solidité et le cœur sont davantage mis en avant que les exploits individuels.
Deschamps aurait pu cacher la poussière sous le tapis rouge menant vers la demi-finale, la quatrième sur les cinq derniers grands tournois (2016, 2018, 2022, 2024), il a préféré ne pas nier l’évidence : « Évidemment, pour différentes raisons, Antoine et Kylian ne sont pas au top de ce qu’ils peuvent faire, mais on est là. Les deux sont censés améliorer l’efficacité qu’on n’a pas. Ils s’accrochent, on est un groupe, la force collective est toujours là. Certains ont pris le relais, très bien. » On le saura plus tard, mais cette compétition pourrait acter la naissance des tauliers de demain. Mike Maignan (29 ans) en impose dans son but et dans le vestiaire, nous a-t-on raconté ces dernières semaines. « Quand on ne fait pas le taf, il est là pour nous sauver », assumait William Saliba, lui aussi en train de prendre une autre dimension à 23 piges et, peut-être, de gagner le statut de titulaire en puissance en équipe de France.
Quand ce n’est pas lui, c’est Dayot Upamecano, homme de peu de mots, mais en passe de confirmer son bon Mondial 2022, tout en éloignant ses errements en Bavière. Plus fort encore, Jules Koundé, qui a vécu une soirée plus compliquée qu’en début de semaine contre la Belgique, sans non plus se démonter face à Rafael Leão, ni au moment d’aller transformer avec un sang-froid remarquable son premier penalty « depuis les U19 ».
Ce sont des joueurs et des hommes qui s’affirment, sur le terrain comme devant les micros. Saliba était moins crispé qu’habituellement dans les couloirs du Volksparkstadion, Koundé n’est toujours pas venu en conférence de presse depuis plus d’un mois de rassemblement, mais il transpire l’assurance dès qu’il s’agit de faire une apparition devant un média. Ce sont eux les héros du moment, eux et tous les autres : Bradley Barcola, 21 ans, 3 sélections et capable de se présenter devant un Diogo Costa infranchissable quatre jours plus tôt face à la Slovénie ; Ousmane Dembélé, « piqué » d’avoir perdu sa place de titulaire contre la Belgique et le Portugal, et dont l’entrée en jeu a changé beaucoup de choses ce vendredi soir ; Eduardo Camavinga, 21 ans et deux titres de champion d’Europe avec le Real Madrid, qui n’a pas tout bien fait, mais qui est monté en puissance.
Les casques bleus
Ce sont ces soldats devenus généraux, sous le regard des anciens, ceux qu’on ne présente plus et qu’on imaginait indispensables pour se rapprocher des sommets. La France est pourtant dans le dernier carré de l’Euro sans un Mbappé en mode Coupe du monde (1 but sur penalty et des difficultés flagrantes dans le jeu) et sans un grand Griezmann, carrément sorti le premier, à la 67e minute, après avoir été incapable de retrouver son influence dans une position qui lui convenait mieux.
Les Bleus ne sont visiblement plus dépendants de leur numéro 10, comme on le leur reprochait au Qatar. Ils reposent surtout sur leur défense de fer, et aussi sur N’Golo Kanté, leader silencieux, mais leader à la hauteur et véritable porte-bonheur (20 matchs sans défaite pour les Bleus avec leur milieu de poche en tournoi majeur).
Ils résistent à tout, absolument tout, même à une séance de tirs au but. Même à une star en panne de moteur, à un leader technique en manque de créativité et d’inspiration. Les égos sont mis de côté quand ça finit par gagner.
Dembélé a été fêté comme un roi pour son trophée d’homme du match, lâchant au passage sa petite punchline : « On joue comme ça, ceux qui ne sont pas contents, ce n’est pas mon problème. » Au lendemain de sa conférence de presse truffée de petites (ou grosses) maladresses, Mbappé a remis le collectif au-dessus de lui après la qualification : « Il faut passer au-dessus de ça (ses performances), ce sont les aléas du footballeur. En tant que capitaine, il faut garder cette implication et être là pour les coéquipiers. Je n’ai mis qu’un but, on est en demi-finales, et je suis toujours très content. Ce sera à moi de me mettre au niveau contre l’Espagne. » À lui de se mettre à la hauteur de ceux qui sont aujourd’hui beaucoup plus que des hommes de l’ombre.
Clément Gavard, à Hambourg
Source : So Foot
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