Mauritanie : la crise post-électorale, une double signification politique

Après la réélection de Ould Ghazouani pour un second mandat, les observateurs ne s’attendent pas à une évolution positive sur la difficile cohabitation écornée depuis 1960. Les évènements de Kaédi avec plus de trois morts à la suite de violences policières augurent une gouvernance avec une main de fer.

La Mauritanie vit depuis quelques jours un climat de tension extrême. Ces manifestations post-électorales envoient un double message ; la réélection de Ould Ghazouani est ressentie comme un vol de leur bulletin de vote. Et par ricochet c’est la cohabitation qui prend encore un nouveau coup. Pour les observateurs la priorité du président réélu consistera à accélérer ses réformes mal engagées durant son premier quinquennat plus tôt que d’amorcer un début de réconciliation nationale.

Ce positionnement est inquiétant pour le mieux vivre ensemble. En effet depuis 1989 avec les déportations de plus de 60000 négro-mauritaniens au Sénégal et au Mali et en 1991 avec l’assassinat de 28 soldats négro-mauritaniens à la base militaire d’Inal au Nord du pays, sous le régime de Ould Taya, les différentes composantes nationales vivent en chien de faïence. Cette mauvaise cohabitation est exacerbée par la politique discriminatoire de Ould Ghazouani dès son accession au pouvoir en 2019.

Pendant cinq ans il a œuvré à creuser l’écart entre les riches de sa communauté et les pauvres des autres composantes nationales. Sa politique de lutte contre la marginalisation et l’exclusion des harratins qui représentent la frange la plus importante sur le plan démographique, est une stratégie de façade pour l’unité nationale et la cohésion sociale.

Les observateurs ne sont pas dupes que l’ouverture vers l’élite harratine avec un premier ministre et un chef de la diplomatie issus de harratins constitue un leurre. Cette politique d’autruche est encore plus visible au niveau du règlement du passif humanitaire avec des pourparlers interminables entre les veuves et orphelins et les victimes des années de braise de 1986 à 1993.  Les négociations butent sur la justice transactionnelle qui exclut tout règlement par une commission au préalable de vérité et réconciliation nationale.

La réélection de Ould Ghazouani ne change en rien cette Mauritanie fracturée. Ce deuxième mandat sous le signe de violences post-électorales s’annonce comme un coup dur supplémentaire à la cohabitation.

Cherif Kane

Coordinateur journaliste

(Reçu à Kassataya.com le 04 juillet 2024)

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