J’avoue : binational, je représente un danger pour la République française

En tant que Franco-Canadien, je sais à quel point je pourrais porter atteinte à la sûreté de la France.

Slate  – Un rêve s’effondre. Pour moi qui me voyais devenir ministre des Affaires étrangères dans le prochain gouvernement de Jordan Bardella, l’annonce par ce dernier que les binationaux en seraient exclus a eu l’effet d’une douche froide. Pourtant, jusque-là, j’avais tout bon : juif, j’aurais servi à le dédouaner de tout antisémitisme, et avec mes origines mêlées, cet assemblage baroque de sang belge et tunisien qui coule dans mes veines, à ses détracteurs, il aurait eu beau jeu de me présenter comme la preuve éclatante de son ouverture d’esprit.

Las, ma double nationalité franco-canadienne a mis fin à tous ces espoirs. Car oui, il me faut l’avouer, bien que né sur le territoire français, il y a quelques années j’ai commis cette faute impardonnable de demander à être reconnu comme un citoyen canadien à part entière. Quelle faute morale commis-je là! Quel devait être mon égarement pour que j’en arrive à accepter pareille gratification, moi chez qui l’amour de la France était tel qu’à la première occasion, je m’en étais échappé.

Les binationaux sont des individus en tout point détestables, j’en sais quelque chose. Ils pensent dans une langue mais quand ils parlent, les mots qui sortent de leur bouche proviennent d’un idiome différent. Ils sont fourbes, mangent à tous les râteliers, pratiquent en toutes occasions une duplicité retorse. On les croit français alors que leur cœur bat pour des contrées ennemies. Traîtres par essence, ils sont d’ici et d’ailleurs, et cette double appartenance fait d’eux les êtres les moins fiables au monde.

La France appartient aux Français, pas à des pièces rapportées dont on ne connaît jamais la réelle identité. D’apparence, ils ont tous les traits de l’autochtone mais dans les coulisses, c’est une autre affaire. Leur cerveau est bicéphale : ils enregistrent dans une langue, communiquent dans une autre. D’entre tous les binationaux, les francophones sont les pires. Ils ont beau parler la même langue, ils usent de cet atout pour encore mieux subvertir leurs interlocuteurs, lesquels pensant avoir affaire à leurs semblables s’épanchent sans se douter de rien.

Confiez-leur un secret, vous pouvez être certain que dans l’heure qui suit, l’information aura remonté jusque dans les plus hautes sphères de leur seconde patrie, un échange continu qui jamais ne s’arrête. Si par malheur, il se trouve être juif, aux deux pays dont officiellement il se réclame, d’office, ajoutez-en un troisième, Israël, vers qui toutes ses pensées sont tournées.

 

 

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Laurent Sagalovitsch

 

 

 

Source : Slate (France)

 

 

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