
Jeune Afrique – Un homme entouré de gardes du corps fend une foule immense, composée de jeunes fans qui hurlent. Une star de la chanson en concert ? Un joueur de foot célébré après un but victorieux ? Un politique qui vient d’être élu ? Non ! Un écrivain en dédicace !
Le samedi 11 mai, Osamah Almuslim était invité à présenter ses livres au Salon international de l’édition et du livre (SIEL) de Rabat. Le résultat : une cohue telle qu’il a fallu interrompre sa séance pour des raisons de sécurité. Les vidéos postées sur le compte Instagram de l’auteur saoudien né en 1977 à Al-Ahsa sont impressionnantes. Autre marque de son statut exceptionnel, il a été reçu par le ministre marocain de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, Mohamed Mehdi Bensaid.
Osamah Almuslim exfiltré de la foule
Hicham Houdaïfa, journaliste, écrivain marocain et cofondateur de la maison d’édition En toutes lettres, spécialisée dans les essais journalistiques et les sciences humaines, a assisté à ce phénomène aux premières loges : « »J’ai été témoin de l’euphorie qui s’est emparée de la foule, dense et canalisée par des barrières. Elle était essentiellement constituée de jeunes, en plein soleil, des piles de livres à la main, dans l’attente d’une dédicace ou d’un selfie. Il y avait tellement de monde qu’on a dû exfiltrer Osamah Almuslim. On n’avait pas vu ça venir, beaucoup de gens ne le connaissaient pas, dont moi. Je ne suis pas sûr que tous ceux qui étaient à la dédicace l’avaient lu, certains ont été attirés par le phénomène médiatique. »
Pour mesurer la ferveur suscitée par l’auteur saoudien, une anecdote de la journaliste marocaine Khouloud Kebali peut s’avérer éclairante : « Je participais aux rencontres littéraires organisées en marge du SIEL et j’étais là lorsque la dédicace a dû être interrompue. Je prenais un verre dans l’hôtel où était logé Osamah Almuslim, quand Amin, un garçon de 15 ans, m’a demandé si je le connaissais. Il m’a dit qu’il souhaitait le rencontrer à tout prix et qu’il était prêt à dormir dans la rue pour cela. Il venait de Berrechid, une ville située à 125 kilomètres de Rabat. Lui qui n’était pas un lecteur avant de découvrir Almuslim, avait économisé pendant deux mois pour venir au salon acheter les livres de l’auteur saoudien. »
Qui est cet écrivain qui soulève les passions ? Osamah Almuslim a publié 32 livres alors que son premier roman, le premier tome de la série Peur, n’est sorti qu’en 2015. Parmi les autres séries de l’auteur de fantasy : Les Vergers de l’Arabistan, La Saga des sept mers… Il a aussi sorti une quinzaine de romans et des recueils de nouvelles d’horreur. Il a commencé relativement tard, mais il a ensuite accéléré sa production de manière foudroyante. Rien qu’en 2023, cinq de ses livres ont paru.
Sorcières, démons et jnoun
Osamah Almuslim est surnommé le « J. K. Rowling arabe » en référence à l’autrice de la série des Harry Potter. Comme elle, il a d’abord vu son manuscrit refusé par les maisons d’édition et a décidé de publier Peur en recourant au compte d’auteur. Avec le triomphe du livre, réimprimé à de multiples reprises, la donne a changé.
La comparaison avec l’écrivaine britannique vaut aussi pour le genre. Almuslim se présente comme un « créateur de portails vers d’autres mondes » et il a pour mantra la phrase « les gens normaux sont bizarres ». Son œuvre met en scène des créatures fantastiques comme des sorcières et des démons, ce qui fait dire à Hicham Houdaïfa : « Il décrit des mondes merveilleux, avec des références arabes et musulmanes comme des jnoun. Il a eu l’intelligence d’adapter la fantasy au goût des jeunes Arabes. »
Ayant vécu une partie de son enfance aux États-Unis, Osamah Almuslim emprunte aux codes du cinéma hollywoodien, avec du suspense et des retournements de situation. Certaines de ses séries ont d’ailleurs été adaptées à l’écran et, par ailleurs, plusieurs de ses livres ont été traduits en anglais.
Mabrouck Rachedi
Source : Jeune Afrique
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