L’Afrique du Sud, étoile pâlissante du Sud global

Le MondeRécitLes élections générales du 29 mai pourraient voir l’ANC perdre sa majorité. Au pouvoir depuis trente ans, le parti de Nelson Mandela a laissé la corruption s’installer dans le pays, miné par le chômage et les inégalités grandissantes.

En ce 26 janvier, le président sud-africain a rendez-vous avec l’histoire. Alors que la Cour internationale de justice vient de valider – sans se prononcer sur le fond – la requête de l’Afrique du Sud, qui avait accusé Israël de commettre un génocide à Gaza, Cyril Ramaphosa entérine cette victoire dans un discours à la nation. « Certains ont dit que nous devrions nous mêler de nos affaires et ne pas mettre le nez dans celles d’autres pays. D’autres ont dit que ce n’était pas notre rôle, mais c’est exactement notre rôle, en tant que peuple qui ne connaît que trop bien la douleur d’être dépossédé, discriminé, et la violence d’Etat. Nous sommes aussi un peuple qui a été victime du crime d’apartheid », déclare-t-il, solennel. Après cinq années d’un mandat difficile, lui qui a si souvent été critiqué sait qu’il a derrière lui, cette fois, un pays fier de reprendre sa place de vigie morale sur la scène internationale.

Difficile de ne pas se souvenir de ce qu’écrivait Nelson Mandela en décembre 1993 : « Les droits humains seront la lumière qui guide notre politique internationale. » Libéré en 1990 après vingt-sept années d’emprisonnement, Nelson Mandela mettra fin, en avril 1994, à près d’un demi-siècle d’oppression raciste en remportant les premières élections libres, sous les yeux du monde qui admire le « miracle » sud-africain.

Trente ans plus tard, son parti, le Congrès national africain (ANC), est toujours aux manettes. Mais cette formation peut-elle encore se réclamer de l’autorité morale d’un Nelson Mandela ? Alors que l’Afrique du Sud s’apprête à se rendre aux urnes le 29 mai pour élire ses députés, l’ANC pourrait perdre sa majorité absolue pour la première fois depuis la fin de l’apartheid. Chômage massif, criminalité record, corruption, déliquescence des infrastructures… tous les indicateurs sont au rouge. « L’électricité, l’eau, les transports, tout s’effondre… Si l’Afrique du Sud continue sur cette trajectoire, elle risque de devenir un Etat en faillite, car rien ne pourra retenir le pays malgré la robustesse du secteur privé, qui couvre jusque-là la mauvaise gestion et le manque de transparence du gouvernement de l’ANC », met en garde l’économiste Lumkile Mondi, professeur à l’université du Witwatersrand, à Johannesburg.

Fossé grandissant

 

Symbole le plus évident du déclin qui guette, l’incapacité de la compagnie publique d’électricité, Eskom, à fournir au pays le plus industrialisé d’Afrique l’électricité dont il a besoin. Faute de pouvoir répondre à la demande, Eskom impose depuis 2007 des coupures de courant. Longtemps occasionnelles, elles ont vu leur nombre bondir au cours des deux dernières années. En 2023, le pays a ainsi connu 335 jours d’un délestage qui peut durer jusqu’à douze heures par jour. La compagnie publique d’électricité, qui passait autrefois pour l’une des plus performantes du continent, est devenue le symbole de la corruption et de la gestion inepte qui a marqué les mandats de Jacob Zuma, président de 2009 à 2018.

 

 

Les coupures de courant ont mis un peu plus en évidence le fossé grandissant qui sépare les Sud-Africains les plus aisés du reste de la nation. Les premiers ont acheté des batteries, des générateurs puis des panneaux solaires, quand les seconds s’éclairent à la bougie et se sont remis à cuisiner au feu de bois dans les arrière-cours des townships.

 

 

Conséquence de ces délestages : l’économie qui stagne autour de 0,8% de croissance par an en moyenne depuis 2012 s’enfonce un peu plus. D’après la banque centrale sud-africaine, les coupures de courant auraient coûté jusqu’à 3,2 points de pourcentage de croissance en 2022. Quant à Eskom, un de ses anciens dirigeants, André de Ruyter, estimait début 2023 que la corruption lui coûtait environ 50 millions d’euros chaque mois. Au palmarès des fraudes vertigineuses figurent notamment des genouillères achetées 4 000 euros la paire ou une serpillière payée plus de 10 000 euros.

Les coupures de courant ont subitement cessé à deux mois des élections. « Le résultat d’une année de travail acharné », assure le gouvernement. Si les pannes dans les vieilles centrales à charbon, longtemps mal entretenues, sont moins fréquentes et si l’explosion du nombre de panneaux solaires chez les particuliers et les entreprises soulage le réseau, il est encore trop tôt pour savoir si l’éclaircie durera. Il en faudra plus pour rassurer les investisseurs. Récemment, le géant minier australien BHP Group a proposé de racheter son concurrent Anglo American à une condition : exclure les activités sud-africaines d’Anglo American de l’accord.

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 (Johannesburg, correspondance)

Source : Le Monde

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