Au Togo, la quête joyeuse et très codifiée d’un prénom pour son enfant

Le Monde« Darons d’ailleurs ». Deux fois par mois, l’un de nos journalistes à l’étranger explore la parentalité hors de nos frontières. Dans le petit pays d’Afrique de l’Ouest, le choix du prénom, ou plutôt des prénoms, est lié traditionnellement au jour de naissance, à l’ordre dans la fratrie, au sexe du bébé, tout en puisant dans le clan et la lignée. En somme, il doit « résumer une histoire ».

Sa femme et la plupart de ses amis l’appellent Sylvain, mais il se prénomme également Mawuena et Kodjovi ou encore – pour sa mère uniquement – Fossi. Patron d’une station-service de Lomé, la capitale du Togo, M. Kondo s’est montré au moins aussi généreux avec sa propre fille de 10 ans. Lorsqu’elle est née, Akuvi Sylvana Marie-Ange a reçu à son tour une kyrielle de prénoms. Le premier, c’est celui que l’on donne traditionnellement dans le sud du pays aux filles qui voient le jour un mercredi ; les autres marquent sa filiation et la placent sous diverses protections.

« Cela fait beaucoup, mais c’est lié à la joie que crée la naissance », explique en riant Sylvain Mawuena Kodjovi Fossi Kondo. « Et le prénom a une influence sur la vie de l’enfant, c’est pourquoi il faut le choisir avec soin. Certains n’arrivent pas à prospérer à cause du nom qu’on leur a attribué », assure cet homme affable de 37 ans.

Si la famille devait s’agrandir, M. Kondo et son épouse s’attelleraient de nouveau à cette tâche avec application. « On pourrait chercher quelque chose de plus traditionnel qui signifie par exemple “c’est Dieu qui a fait” », réfléchit-il tout haut.

Dans ce petit pays d’Afrique de l’Ouest, la quête d’un prénom pour son bébé est une affaire sérieuse, à la fois complexe et remarquablement codifiée. « Le nom est essentiel pour naître dans la société après être né biologiquement, indique l’anthropologue Camille Agbati, professeur à l’université de Lomé. Au cours de votre existence, il permettra de vous identifier vis-à-vis de votre interlocuteur et de signifier votre appartenance à une communauté. Il doit résumer une histoire. »

« Renouer avec notre identité »

 

La première règle tient au jour de naissance. Lundi, jeudi, dimanche… Chacun est associé à un prénom, masculin ou féminin, qui lui-même correspond, selon les croyances populaires, à un tempérament. Du nord au sud du pays, les terminologies diffèrent, mais la coutume est la même. Entrent aussi en jeu le clan et la lignée. Dans certaines familles de la région des lacs (sud), les filles aînées devraient toujours s’appeler Ayélé ou Dédé quand le troisième garçon sera, par exemple, nommé Messan. Viennent, enfin, les prénoms plus personnels, parfois liés à un événement autour de la naissance, à une dimension spirituelle ou inspirés du calendrier grégorien avec ses saints catholiques.

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 (Lomé)

Source : Le Monde – Le 09 mai 2024

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