Afrique de l’Ouest : face aux velléités de départ des juntes sahéliennes, la Cedeao cherche la parade

Alors que les régimes militaires à Bamako, Ouagadougou et Niamey ont annoncé leur volonté de quitter l’organisation sous-régionale, les présidents des pays voisins cherchent à la sauver et à protéger leur pouvoir.

Le Monde   – Le nouveau président sénégalais Bassirou Diomaye Faye et son premier ministre Ousmane Sonko seront-ils le fil et l’aiguille qui renoueront les liens dans une Afrique de l’Ouest déchirée ou l’explosif et le détonateur qui viendront faire éclater ce qui reste de près d’un demi-siècle de construction régionale ?

Alors que le jeune chef d’Etat sénégalais s’est rendu mardi 7 avril en Côte d’Ivoire, l’autre puissance francophone de la zone, pour y tenir un discours célébrant la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) comme « un outil formidable d’intégration » que « nous gagnerons à préserver », celui qui fut son mentor politique a annoncé dimanche soir sa prochaine « tournée » dans le quartet de juntes – Guinée, Mali, Burkina Faso, Niger –, en rupture avec l’ordre régional.

Une initiative qui s’inscrit dans le cadre de la diplomatie de proximité instaurée par le nouveau pouvoir à Dakar, soucieux de « parler à tout le monde », alors qu’en janvier, les militaires aux commandes à Bamako, Niamey et Ouagadougou ont annoncé le départ immédiat de leur pays de la Cedeao, suscitant la crainte de disparition d’une organisation dont les deux piliers, la libre circulation économique puis la promotion de la démocratie, sont fissurés par les tensions entre régimes.

Fort de son élection triomphale sur un programme souverainiste et une promesse de rupture avec les régimes précédents, le duo à la tête de l’exécutif sénégalais a les atouts pour servir d’intermédiaire avec un bloc putschiste, en résonance avec les thèmes qu’il défend. D’autant que le temps presse pour empêcher la désagrégation.

« Les juntes refusent la main tendue »

L’organisation sous-régionale dispose en effet d’un délai de douze mois pour avaliser la sortie d’un de ses membres après que celui-ci a notifié sa décision. Face à cette perspective, les opérations de sauvetage se multiplient. Fin avril, une trentaine de personnalités politiques de la région se sont réunies à Abidjan pour réfléchir à la survie de l’organisation.

Après deux jours de « retraite », le conseil des sages de la Cedeao a appelé les trois pays dissidents « à reconsidérer leur position », envisageant une médiation de « haut niveau », composée des anciens présidents nigérians Goodluck Jonathan et Yakubu Gowon ou encore du Sénégalais Abdoulaye Bathily, pour se rendre prochainement auprès des autorités de ces pays.

« L’idée est de passer dans chaque capitale pour rencontrer les dirigeants et leur délivrer un message simple : le retour à l’ordre constitutionnel et le maintien de l’unité de la Cedeao, explique une source diplomatique régionale. Nous avons espoir qu’une fois qu’ils auront défini leur calendrier, ils reviendront vers nous. D’autant que l’aventure d’une séparation s’avère hasardeuse pour ces pays enclavés et très liés économiquement à la sous-région. »

Cependant, les chances de succès d’une telle initiative suscitent déjà de sérieux doutes. « La Cedeao a toujours été ouverte à la discussion. Le ton s’est durci un temps lorsque le Nigeria a menacé d’une intervention militaire au Niger pour rétablir le président Mohamed Bazoum. Mais les juntes refusent la main tendue car, quitter la Cedéao, c’est une façon d’échapper à tout engagement visant à rendre le pouvoir aux civils », prévient Rahmane Idrissa, chercheur en sciences politiques à l’African Studies Centre de l’université de Leyde, aux Pays-Bas.

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Source : Le Monde  

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