Sportifs professionnels victimes de racisme : quel impact sur leur mental ?

The Conversation – Les conférences de presse des footballeurs sont réputées pour leur formalisme et leur langue de bois. Mais parfois, il arrive que les sujets les plus importants y trouvent une place, comme le 25 mars 2024, à la veille d’un match entre le Brésil et l’Espagne.

Au moment d’évoquer le racisme qui se manifeste parfois dans les tribunes du championnat espagnol, Vinicius Jr, joueur brésilien du Real Madrid, n’a pas pu retenir ses larmes. Évoquant les insultes liées à sa couleur de peau, le joueur explique :

« À chaque fois que cela arrive, je me sens plus triste, et à chaque fois j’ai moins envie de jouer. »

Le témoignage de Vinicius Jr met en lumière un point important, généralement négligé : les actes racistes sont souvent perçus comme des moments ponctuels, or leurs effets sont durables et peuvent avoir un impact sur la santé de celles et ceux qui les subissent.

Juridiquement, la discrimination est définie à l’article 225-1 du code pénal comme une distinction opérée entre des personnes sur la base de l’un des 26 critères établis par la loi. Parmi ceux-là se trouvent l’origine et l’appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou à une prétendue race – ce qui recouvre les insultes ciblant la couleur de peau. Les recherches portent généralement sur l’identification des discriminations (enquêtes de victimisation, études sur les trajectoires des personnes issues de l’immigration, testings). Elles étudient le moment ponctuel qui renvoie au fait juridique et permettent de le qualifier. Leurs résultats apportent par exemple la preuve de traitements défavorables récurrents en raison du phénotype ou du patronyme. C’est indispensable.

Mais au-delà de l’identification juridique des discriminations, le travail doit se prolonger du côté d’une reconnaissance des effets du racisme vécu. Démontrer la durabilité des actes racistes peut se faire par l’analyse des conséquences de ces discriminations sur la santé des personnes qui les subissent, au-delà du moment où ils ont eu lieu.

Inclure la totalité de l’expérience vécue

 

Lorsque Vinicius Jr fond en larmes au moment d’évoquer ses expériences, il ne vient pas de subir des insultes à caractère raciste ; par ses propos, il nous apprend que le traumatisme dure, qu’il s’accompagne d’une tristesse renouvelée et d’une perte de motivation professionnelle.

L’une des dimensions du vécu discriminatoire repose sur l’analyse de la vigilance comme anticipation de la discrimination. Dans l’analyse des temps de la discrimination, le sociologue François Dubet démontre que la discrimination peut constituer une charge en dehors des seules expériences vécues. Par la notion de « discriminable », on comprend que l’incertitude de « ne jamais savoir quand, où, comment et par qui on pourrait être discriminé » se traduit par une véritable charge mentale. Ainsi, le sentiment d’appartenance à un groupe discriminé induit par lui-même un certain vécu dégradé en lien avec les discriminations.

Il faut prendre au sérieux le poids de l’anticipation. La menace de l’exposition peut provoquer une vigilance accrue. Or, des études nord-américaines ont démontré que cette vigilance peut non seulement prolonger et exacerber le stress face à certains événements, mais également ses conséquences sur la santé. Des liens statistiques ont été positivement établis avec les symptômes dépressifs, les problèmes de sommeil ou encore l’hypertension. De tels résultats se retrouvent également en Europe, plus particulièrement en Suède, où une étude a démontré que l’anticipation de discriminations ethniques est associée à un plus faible niveau de santé psychologique.

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Université de Bordeaux

Source : The Conversation

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