– Alors que la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader depuis plusieurs mois dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), là où toutes les parties prenantes au conflit se renforcent militairement, l’Angola, poussé par les Etats-Unis, tente de relancer un processus diplomatique à l’agonie entre le Rwanda et la RDC.
Le bilan de la dernière tentative organisée par le « facilitateur » angolais, le président Joao Lourenço, aurait pourtant de quoi calmer bien des ardeurs diplomatiques. « Un fiasco », témoignait un participant à l’issue de cette rencontre d’une heure et demie organisée vendredi 16 février, au soir et à huis clos, en marge du sommet annuel de l’Union africaine à Addis-Abeba. Le chef de l’Etat angolais ainsi que ses homologues sud-africain, Cyril Ramaphosa, et kényan, William Ruto, présents dans la même salle, n’ont pu que constater, raconte un participant, « l’extrême défiance, voire l’agressivité » existant entre les présidents rwandais, Paul Kagame, et congolais, Félix Tshisekedi. Une nouvelle réunion censée se tenir le lendemain a d’ailleurs été annulée.
« C’était assez tendu à cause de l’attitude belliqueuse de [Paul] Kagame et parce que [Félix] Tshisekedi n’y est pas allé avec le dos de la cuillère », concède un officiel congolais. Kinshasa, fort des observations des experts des Nations unies, accuse son voisin d’agression armée par le biais des rebelles du M23. Ce mouvement constitué essentiellement de Congolais membres de la communauté tutsi bénéficie d’un « appui continu de la force de défense rwandaise », indique le dernier rapport d’experts des Nations unies publié fin décembre 2023. Un appui non seulement technique mais aussi humain.
« Dialogue de sourds »
Après huit années de sommeil, le M23 s’est brusquement réveillé en novembre 2021, mettant en déroute les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC), démoralisées par un sous-équipement et un manque d’encadrement chroniques. Ces derniers jours, le M23 accentue sa pression militaire sur la capitale régionale du Nord-Kivu, Goma. Cela, malgré l’envoi de renforts dans les rangs des FARDC ; malgré l’appui de milices locales ; malgré l’assistance de soldats du Burundi ainsi que des premiers contingents, sud-africains notamment, dépêchés par la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), une organisation sous-régionale regroupant seize pays.
Vendredi, le chef de l’Etat congolais a donc dénoncé ce qu’il décrit comme « une guerre pour continuer le pillage de [son] pays et faire le bonheur du Rwanda et de ses complices ». Le sous-sol du Nord-Kivu regorge en effet de richesses. Certaines mines seraient exploitées par des intérêts rwandais, entre autres acteurs locaux ou étrangers évoluant souvent dans l’illégalité. Pour le chef de l’Etat, Kigali est le principal responsable des malheurs des centaines de milliers de personnes déplacées par les violences : « le mal de la région » est le Rwanda.
Dans cette logique, Félix Tshisekedi a répété à Addis-Abeba que Kinshasa « ne va jamais négocier avec le M23 » – qu’il classifie parmi les organisations terroristes –, créé et manipulé par le Rwanda. Pour autant, Kinshasa n’est pas résolu à s’asseoir à la même table que Paul Kagame à n’importe quel prix. « Le préalable à toute discussion directe avec Kigali est le départ de tous les soldats rwandais de RDC », rappelle Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement.
L’argumentaire déployé en écho par le Rwanda complète ce qu’un diplomate européen qualifie de « dialogue de sourds ». Pour Kigali, les trente années de conflit et d’instabilité dans la région des Grands Lacs – depuis le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 – découlent de « l’incapacité constante » de Kinshasa à assurer « la protection des droits et des vies des Tutsi congolais », dénonce un communiqué du ministère rwandais des affaires étrangères publié dimanche. Il ajoute que « sous l’administration du président Félix Tshisekedi, les discours de haine et le tribalisme sont devenus une monnaie d’échange de la politique congolaise, et la discrimination ethnique ainsi que les arrestations et les tueries ciblées sont courantes ». En substance, le M23 ne serait qu’un mouvement congolais créé pour la défense de la communauté tutsi. Au regard de quoi, Kigali attend « une résolution politique de la question du M23 par les Congolais eux-mêmes ».
Communiqués belliqueux
Il est toutefois de plus en plus compliqué pour Paul Kagame de faire semblant de n’être qu’un spectateur passif et inquiet du drame qui se joue quotidiennement dans le Nord-Kivu. D’autant que les Etats-Unis, habituellement l’un de ses plus précieux alliés, durcissent le ton à son égard. Samedi, le département d’Etat américain a, en effet, condamné « fermement l’aggravation de la violence [dans l’est de la RDC] causée par les actions du M23, soutenu par le Rwanda ». « Les Etats-Unis, poursuit le communiqué, demandent au Rwanda de retirer immédiatement de RDC tout le personnel de la Force de défense du Rwanda et ses systèmes de missiles sol-air, qui menacent la vie des civils, des soldats de l’ONU et d’autres forces de maintien de la paix régionales, des acteurs humanitaires et des vols commerciaux dans l’est de la RDC. »
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