
Après avoir salué la foule des deux côtés de la route, il avait franchi la ligne d’arrivée les bras en croix. Dimanche 8 octobre 2023, à Chicago, Kelvin Kiptum est devenu le premier marathonien à finir l’épreuve en moins de 2 h 01 minutes (2 h 00 min 35 s), le premier aussi à courir la distance mythique (42,195 km) avec une moyenne proche de 21 km/h.
A 24 ans, l’avenir du Kényan s’annonçait radieux : il rêvait de passer sous la barre symbolique des deux heures en avril à Rotterdam (Pays-Bas) puis de gagner le marathon des Jeux olympiques (JO), le 11 août à Paris. Kelvin Kiptum aimait les victoires en solitaire, loin devant ses adversaires, comme à Chicago. La mort l’a finalement rattrapé.
Kelvin Kiptum est décédé dans un accident de voiture, dimanche 11 février, à proximité de la localité de Kaptagat (Kenya), où il vivait et s’entraînait. Selon la presse kényane, il aurait perdu le contrôle de sa voiture et fait une sortie de route, roulant « sur 60 mètres avant de heurter un arbre ». Une photo de sa berline bleue, le pare-brise enfoncé, le toit et les portières aplatis, atteste de la violence du choc. Son entraîneur, le Rwandais Gervais Hakizimana, a également perdu la vie. La femme qui les accompagnait a été transportée à l’hôpital de la ville d’Eldoret.
« Le matin même, Kelvin, à la suite d’un entraînement de 25 kilomètres, s’était senti un peu fatigué, alors il est parti avec Gervais à Eldoret pour une séance de récupération, raconte Philippe Plancke, ancien entraîneur du Rwandais. Dans ce drame, l’athlétisme mondial perd un immense champion et, moi, je perds Gervais qui était comme un fils. »
« Force mentale » et « discipline »
L’annonce de la mort du Kényan a provoqué une vague d’hommages. « Ce n’est qu’en début de semaine, à Chicago, là où Kelvin a établi son extraordinaire record du monde, que j’ai ratifié officiellement son chrono historique, a déclaré sur X Sebastien Coe, président de la fédération internationale d’athlétisme. Cet athlète incroyable laisse un héritage incroyable, il nous manquera beaucoup. » Eliud Kipchoge, légende kényane du marathon, dont le record du monde a été battu de 34 secondes par Kelvin Kiptum, s’est dit « profondément attristé par le décès tragique » de cette « étoile montante qui avait toute la vie devant lui pour atteindre l’excellence ». Le président kényan, William Ruto, a quant à lui salué « un héros » dont « la force mentale et la discipline étaient inégalées ».
Kelvin Kiptum faisait partie de cette légion de coureurs kényans qui raflent toutes les médailles en fond et demi-fond depuis le milieu des années 1980. Il est né à Chepkorio, au cœur de la vallée du Rift, considérée comme l’épicentre de l’endurance mondial. C’est là, à 2 200 mètres d’altitude, que le coureur s’entraînait sous les ordres de son coach Gervais Hakizimana.
Les deux hommes s’étaient rencontrés alors que le Rwandais, avant de devenir son entraîneur, effectuait des séances de côtes derrière la maison de Kelvin Kiptum. Ce dernier, âgé d’une dizaine d’années, surveillait alors le troupeau de chèvres de sa famille. « Kelvin encourageait Gervais et, au fil des jours, ils sont devenus des amis puis des frères, se souvient Philippe Plancke. Gervais a dit à Kelvin qu’il pourrait s’entraîner avec lui à condition qu’il aille aussi à l’école. »
A l’étroit dans un stade
Le marathon exige une certaine forme d’expérience. Elle se forge généralement sur des distances plus courtes comme le 5 000 m ou le 10 000 m. Mais, à l’inverse de ses prestigieux compatriotes (comme Eliud Kipchoge ou Paul Tergat, premier coureur sous les 2 h 05) avant lui, Kelvin Kiptum n’a jamais couru sur une piste d’athlétisme avant de se lancer sur la distance mythique. Parce qu’il se sentait à l’étroit dans un stade et voulait ressentir l’air frais des montagnes kényanes au petit matin.
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