Présidentielle reportée au Sénégal : un camp présidentiel fracturé tente de se remobiliser autour du premier ministre Amadou Ba

Le premier ministre, affaibli après l’annonce du report de la présidentielle, a été remis en selle par le chef de l’Etat, soucieux d’afficher l’unité de sa famille politique.

Le Monde – Il est le personnage central mais discret du séisme politique qui secoue le Sénégal. Pris en tenaille entre les accusations de corruption lancées par les députés d’opposition du Parti démocratique sénégalais (PDS) – allégations qui ont justifié, selon le président Macky Sall, le report du scrutin – et les attaques féroces d’une frange de la garde rapprochée présidentielle qui lui conteste toute légitimité à représenter la mouvance au pouvoir, Amadou Ba aura fort à faire pour ressouder son camp autour de lui.

Le chef du gouvernement, que des rumeurs donnaient démissionnaire, vient d’être remis en selle par le chef de l’Etat. Ce dernier lui « a renouvelé sa confiance » mercredi 7 février lors du conseil des ministres, a fait savoir la présidence dans un communiqué lu pendant le journal télévisé de la première chaîne publique. Le même jour, Amadou Ba est sorti de son mutisme pour déclarer qu’il soutenait finalement la décision du président de repousser l’élection. Il a également confirmé le 9 février dans un entretien avec le magazine Jeune Afrique qu’il était toujours le candidat du camp présidentiel.

Un maintien qui n’avait rien d’évident. Convoqué au palais présidentiel vendredi 2 février au soir avec plusieurs présidents d’institutions pour être informé de la volonté du chef de l’Etat de différer l’élection du 25 février, Amadou Ba n’avait pas caché son opposition à cette entreprise. « Il était certain de pouvoir l’emporter dès le premier tour. Pour lui, il fallait maintenir la date de l’élection », confie un ministre. Mais le chef de l’Etat avait déjà décidé.

Pendant plusieurs jours, alors que les membres de Benno Bokk Yakaar (BBY), la coalition au pouvoir, se démenaient pour justifier le report dans les médias, le candidat désavoué a gardé le silence, laissant les divisions s’exprimer au grand jour. « Peut-il encore représenter Benno ? », « Va-t-il faire cavalier seul et se présenter sans l’étiquette BBY ? », s’interrogeaient alors certains cadres hostiles à sa candidature, pendant que d’autres, à l’inverse, défendaient son maintien, estimant qu’« une nouvelle candidature serait voué à l’échec et que personne n’[avait] intérêt à ce que ça dégénère ».

Ramener dans son giron les frondeurs

 

Il y avait urgence, pour le pouvoir, à afficher un front uni face à une opposition qui s’organise pour réclamer le maintien de la présidentielle prévue le 25 février. « Les relations entre le président Macky Sall et son premier ministre Amadou Ba sont au beau fixe », assure désormais Khadim Dia, conseiller du premier ministre. « Concernant la commission d’enquête parlementaire réclamée par le PDS, sa mise en place est nécessaire afin de laver l’honneur du candidat désigné par notre président. Les députés de la majorité n’avaient d’autres choix que de faire bloc afin de protéger Amadou Ba et cela passait par l’instauration de cette commission d’investigation », justifie-t-il.

Le propos tranche singulièrement avec l’amertume exprimée en début de semaine par certains partisans d’Amadou Ba qui voyaient, derrière le report du scrutin, une tentative au sein de la majorité de changer de candidat. Des enquêtes d’opinion commandées par la présidence donneraient le premier ministre perdant face à Bassirou Ndimaye Faye, le candidat désigné par l’opposant Ousmane Sonko pour le remplacer.

« Ceux qui brandissent ces sondages défavorables sont ceux qui l’ont affaibli depuis sa désignation. Tout a été fait pour lui faire de l’ombre et entraver sa campagne », estime encore Mamoudou Ibra Kane, ancien patron de presse et soutien d’Amadou Ba, qui qualifie le report et les accusations de corruption de « complot » pour l’écarter.

S’il veut l’emporter, le candidat Amadou Ba devra d’abord s’atteler à ramener dans son giron les frondeurs. Sa désignation par Macky Sall en septembre au détriment d’autres ténors de l’Alliance pour la République (APR) avait suscité trois autres candidatures. Mame Boye Diao, ancien patron de la Caisse des dépôts, Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’agriculture, et Mahammad Boun Abdallah Dionne ont refusé de se désister malgré les appels à l’unité du président Sall, chef de leur parti.

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  (Dakar, envoyée spéciale)

Source : Le Monde

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