
Info Migrants – Mariam*, une habitante de Nanterre d’origine sénégalaise, vivant en fauteuil roulant et souffrant de multiples pathologies, a perdu son droit au séjour en France, après 15 ans sur le territoire. La préfecture des Hauts-de Seine a refusé de renouveler, après sept années consécutives, le titre de séjour pour raisons de santé qui la protégeait. Les autorités estiment qu’elle pourrait être soignée dans son pays d’origine.
Sept années de protection et un jour, tout s’arrête. Le couperet est tombé sur Mariam*, Sénégalaise, âgée de 36 ans et habitant à Nanterre (Hauts-de-Seine).
Mariam est arrivée en France en 2008, à l’âge de 21 ans. « À cause d’un accident domestique survenu à 6 ans, elle est gravement brûlée, et son état de santé est dégradé. Elle est venue en France pour trouver les soins qui n’existent pas au Sénégal », retrace son avocate, Me Marion Veillat.
En 2013, la jeune femme parvient à obtenir un titre de séjour pour raisons de santé. Ce document, valable un an renouvelable, est délivré aux personnes ayant besoin d’une « prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir des conséquences d’une exceptionnelle gravité ». À condition qu’il ne soit pas possible de « bénéficier effectivement d’un traitement approprié » dans le pays d’origine.
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Justement : Mariam a besoin d’un suivi médical à la fois très spécifique et pluridisciplinaire. En France, la MDPH (maison départementale des personnes handicapées) lui a reconnue un taux d’invalidité égal ou supérieur à 80 %. Mariam vit en fauteuil roulant. De plus, « elle a fait un coma en décembre 2018, ce qui a dégradé son état de santé. Depuis, elle a besoin d’un appareil respiratoire à vie, la nuit », précise Me Marion Veillat.
Le huitième renouvellement refusé
À partir de 2013 et pendant sept années consécutives, Mariam renouvelle son titre de séjour pour soins, sans encombres. Au fil de ces années, « un suivi médical extraordinaire s’est mis en place, avec de nombreux spécialistes », raconte l’avocate. Centre de rééducation, suivi par un pneumologue et un neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, consultations régulières pour ses problèmes de vue et d’audition…
Mais fin 2021, stupeur : la préfecture des Hauts-de-Seine refuse le renouvellement. « Je ne comprends pas, je leur avais bien donné tous les documents », s’attriste Mariam, jointe par Infomigrants. Le refus est assorti d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français), lui intimant de quitter le territoire sous 30 jours. Pour rendre cette décision, la préfecture des Hauts-de-Seine s’est basée, entre autres, sur un avis rendu par un collège de médecins de l’OFII.
Depuis, les recours engagés par Mariam et son avocate auprès de tribunaux administratifs – le dernier jugement datant du 25 janvier 2024 – n’ont pas abouti.
Le Sénégal a une « offre de soins » suffisante, selon la préfecture et les tribunaux
Contactée par InfoMigrants, la préfecture des Hauts-de-Seine n’a pas souhaité répondre à nos questions : « Nos services ne peuvent fournir d’informations relevant de la situation personnelle d’un usager ». Mais le motif avancé se trouve dans le fameux document délivré, fin 2021, par le sous-préfet d’Antony.
Dans ce document, la sous-préfecture explique « eu égard à l’offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, elle peut y bénéficier effectivement d’un traitement approprié ». Pour le sous-préfet, Mariam pourrait donc être soignée au Sénégal, et la protection accordée par la France pour raisons de santé en deviendrait caduque.
Les autorités reconnaissent aussi que sans prise en charge médicale adaptée, les conséquences pour Mariam seraient « d’une exceptionnelle gravité ».
« Ils disent que les soins, je pourrais les faire au Sénégal, mais c’est compliqué là-bas. Beaucoup de choses ne fonctionnent pas, et la machine respiratoire que j’ai, il n’y en a pas là-bas… », réagit Mariam.
Sur la base d’échanges écrits, en juin 2023, avec le directeur commercial de l’entreprise diffusant ce fameux appareil d’assistance respiratoire, Me Marion Veillat affirme que « cet appareil n’est pas disponible ni commercialisé au Sénégal ». Et de rappeler : s’il y a un « arrêt, même temporaire » d’utilisation de cet appareil de ventilation, Mariam « risquerait fortement d’être hospitalisée pour insuffisance respiratoire ».
L’avocate rappelle aussi le manque de personnel soignant au Sénégal : seulement « 15 pneumologues » et « 26 spécialistes en neurologie », pour près de 16 millions d’habitants.
Aux yeux de la justice cependant, « cette statistique ne suffit pas à démontrer l’impossibilité pour la requérante de bénéficier d’un suivi adapté à sa pathologie ». C’est ce qu’estime le tribunal administratif de Cergy, dans une décision rendue le 25 janvier 2024, consultée par Infomigrants. Quant à l’appareil respiratoire, « il n’est pas établi qu’elle ne pourrait se procurer un modèle équivalent », rejette là encore le tribunal.
« Deux voisines m’ont donné un peu d’argent pour le loyer » : la perte des droits sociaux et aides financières
Les conséquences de la perte de ce droit au séjour sont multiples. Sociales, d’abord. Mariam bénéficiait de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) dès la première obtention de son titre de séjour. Suite au refus de renouvellement, la CAF a cessé de lui verser cette allocation.
En perdant ses allocations, Mariam plonge dans la précarité. Les dettes locatives s’accumulent. « Je n’ai plus rien », confie Mariam. « Peut-être qu’un jour ils vont me mettre dehors, c’est cela qui m’inquiète ».
« Je n’ai personne en France pour m’aider », explique-t-elle. « Juste deux voisines qui m’ont donné un peu d’argent pour le loyer. Elles m’ont aussi déjà fait des courses ». Une solidarité qu’elle retrouve aussi auprès d’associations. « Je vais aux Restos du coeur, à Nanterre, pour la nourriture ».
Depuis 2018, Mariam était accompagnée par une aide à domicile, rémunérée grâce à la prestation de compensation du handicap versée par le département. « Elle venait deux à trois fois par semaine, pour le ménage, les courses, la toilette. Mais depuis le refus, j’ai perdu ça aussi ».
*Le prénom de l’interlocutrice a été modifié, à sa demande.
Source : Info Migrants (France)
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