Le Maroc veut donner aux États du Sahel un accès à l’Atlantique

En se disant prêt à mettre ses infrastructures routières, portuaires et ferroviaires à la disposition de quatre pays de cette région, Rabat entend gagner en influence dans une zone où l’Algérie est dominante.

Le Monde – Ouvrir le Sahel à l’Atlantique et, sans le dire, travailler par là même à réduire l’influence du rival algérien dans cette région. Tel est en substance le projet que le Maroc, par la voix de Mohammed VI, a présenté au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Tchad, quatre pays enclavés dont l’éloignement du commerce maritime freine le développement économique.

Réunis à Marrakech le 23 décembre, leurs représentants ont unanimement salué l’initiative. « C’est dans la difficulté que l’on reconnaît ses vrais amis », s’est empressé de déclarer le ministre nigérien des affaires étrangères Bakary Yaou Sangaré, dont le pays est sous sanctions de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) depuis le 26 juillet et le putsch contre le président Bazoum.

Selon les éléments de langage de la diplomatie marocaine, l’offre vise à transformer les économies du Sahel, à améliorer la vie de ses populations et à favoriser la sécurité dans la région. Pour ce faire, le Maroc se dit prêt à mettre « ses infrastructures routières, portuaires et ferroviaires » à la disposition des quatre pays qui, chacun de leur côté, instaureront une « task force » pour définir leurs priorités et préparer l’opérationnalisation du plan.

La question du financement reste cependant en suspens. La mobilisation des bailleurs de fonds sera nécessaire, insiste-t-on côté marocain, où l’on répète que cette initiative ne pourra aboutir qu’à la condition « de mettre à niveau » les infrastructures sahéliennes et « de les connecter aux réseaux de transport et de communication » régionaux.

Instabilité politique et insécurité

tenu du niveau de développement des pays concernés, tous à faibles revenus, le chantier paraît démesuré. Un tiers de la population sahélienne vit en dessous du seuil de pauvreté défini par les Nations unies et les infrastructures de la région sont parmi les plus faibles au monde, observe la Banque mondiale, qui indique que « 40 % des entreprises de la zone considèrent le transport comme une contrainte majeure pour leurs activités ».

Outre le mauvais état et l’insuffisance du réseau routier, le coût élevé de la mobilité complique l’acheminement des marchandises. La situation est aggravée par l’instabilité politique – le Sahel a connu sept coups d’Etat depuis 2020 – et une insécurité nourrie par les groupes djihadistes et les bandes criminelles qui y opèrent. Du point de vue logistique, la faisabilité de l’initiative interroge également. Car si les pays du Sahel sont éloignés de l’Atlantique, ils n’en sont pas coupés pour autant. Leurs marchandises transitent notamment par les ports de Dakar, Abidjan, Cotonou ou Lomé, qui sont beaucoup plus proches.

« Mais ces hubs sont soumis aux aléas politiques, relève Sergey Eledinov, un analyste en sécurité basé à Dakar, fondateur de Convoy Africa. Le commerce du Burkina Faso, du Mali et du Niger a été lourdement sanctionné suite aux changements de régime. Pour leurs dirigeants, même si les routes seront plus longues et que le transport coûtera plus cher, faire transiter des marchandises via le Maroc offre au moins l’assurance d’être à l’abri des humeurs de l’Occident et des organisations régionales. »

Depuis la récente vague de coups d’Etat, Rabat, qui n’en a condamné aucun, contrairement à la France et à la Cedeao, s’est fait discret dans ses rapports avec les nouvelles juntes au pouvoir. Sans jamais remettre en cause sa présence ou ses relations. « Là où les autres voient des problèmes, le roi voit des opportunités », a affirmé à Marrakech le ministre marocain des affaires étrangères Nasser Bourita.

Une pierre dans le jardin de l’Algérie

De fait, les fleurons de l’économie marocaine sont actifs au Sahel. « Royal Air Maroc a été l’une des premières compagnies à reprendre ses vols vers Niamey après le coup d’Etat de juillet 2023, ce qui a été très apprécié par les nouveaux dirigeants du Niger », constate Ulf Laessing, qui dirige le programme Sahel à la fondation allemande Konrad Adenauer. Propriété de la holding royale Al Mada, Attijariwafa Bank est tout aussi incontournable dans la région.

Lire la suite

 

(Casablanca, correspondance)

Source : Le Monde

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Quitter la version mobile