Le procès hors normes devant la justice suisse d’Ousman Sonko, « tête pensante » de la dictature gambienne

En vertu du principe de compétence universelle, l’ONG Trial International a déposé plainte contre l’ancien ministre de l’intérieur de Yahya Jammeh, déchu du pouvoir en 2017.

Le Monde – Devant la justice suisse, le Gambien Ousman Sonko va devoir répondre, à partir de lundi 8 janvier, de faits considérés parmi les plus graves du droit international. L’ancien ministre de l’intérieur de Yahya Jammeh, qui a fait régner la terreur en Gambie de 1994 à 2017, est jugé pour « crimes contre l’humanité » au nom de la compétence universelle, un principe qui stipule qu’un Etat peut poursuivre les auteurs de certains actes quel que soit le lieu où ceux-ci ont été commis.

Agé de 55 ans, Ousman Sonko est accusé par le ministère public de la Confédération helvète (MPC), l’équivalent du bureau du procureur général, d’avoir « en ses qualités et fonctions, soutenu, participé et de ne pas s’être opposé aux attaques systématiques et généralisées menées dans le cadre de répressions par les forces de sécurité gambiennes contre tout opposant au régime ».

Les faits reprochés à Ousman Sonko, qui encourt la réclusion criminelle à perpétuité, s’étendent sur une période qui va de 2000 à 2016. D’après l’acte d’accusation, les autorités fédérales le suspectent d’avoir participé au meurtre d’un opposant en 2000, d’être l’auteur de violences sexuelles entre 2000 et 2002 puis en 2005, d’avoir participé à des actes de torture contre un groupe de personnes suspecté d’avoir fomenté un coup d’Etat en 2006 et d’avoir participé au meurtre d’un politicien en 2011. Le MPC considère également qu’Ousman Sonko est coresponsable d’actes de séquestration et de torture en 2016, dont l’un a mené à la mort de Solo Sandeng, membre du United Democratic Party, un parti d’opposition, alors qu’il était ministre de l’intérieur.

« Rouage »

Ousman Sonko fut un rouage clé du régime autoritaire de Yahya Jammeh, au sein duquel il n’a cessé de prendre de l’importance. Ce militaire a intégré l’armée depuis cinq ans lorsque survient le coup d’Etat de 1994. Rapidement, il est repéré par le régime, jusqu’à être nommé commandant de la garde présidentielle par intérim au début des années 2000, Ousman Sonko est nommé officiellement à ce poste en 2003. A partir de 2005, alors que la répression contre les opposants se durcit, il occupe le poste d’inspecteur général de la police gambienne. Le 21 mars 2006 est une date cruciale dans son parcours. Sur ordre du président, plusieurs personnes suspectées de préparer un coup d’Etat sont arrêtées et interrogées par un groupe composé de différents membres des forces de sécurité. Ousman Sonko était-il de ceux-là ? Quel rôle a-t-il joué lorsque les victimes ont été envoyées dans la tristement célèbre prison « Mile 2 » après avoir été torturées ? Une chose est sûre : quelques mois plus tard, en novembre 2006, Ousman Sonko est nommé ministre de l’intérieur.

« Sa carrière montre qu’il a été une tête pensante, une clé du régime de Yahya Jammeh, soutient Me Caroline Renold, qui défend trois parties plaignantes parmi les dix qui se sont constituées parties civiles. Si la dictature gambienne a tenu aussi longtemps, c’est parce qu’elle reposait sur des hommes comme Ousman Sonko, des responsables accusés d’avoir participé ou supervisé des crimes extrêmement graves puisqu’ils portent atteinte à la dignité humaine. »

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Source : Le Monde

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