
– Au premier étage du salon de coiffure Latyfah à Dakar, les brosses, sèche-cheveux et paires de ciseaux s’agitent en permanence. Assise au milieu de sacs remplis de perruques, la patronne, Awa Ndao, vérifie les finitions avant de confier les précieuses mèches aux livreurs, tout en jetant un œil aux écrans de vidéosurveillance installés au milieu de la pièce.
Depuis quelques semaines, la boutique est en travaux pour renforcer la sécurité, alors que des voleurs ont récemment tenté d’entrer en pleine nuit. « Des cambrioleurs ont déjà pris une trentaine de perruques, des ordinateurs et des parfums il y a trois ans. Ce sont plus de 20 millions de francs CFA [30 500 euros] qui sont partis », explique la cheffe d’entreprise.
« Nous n’utilisons que des cheveux humains naturels de qualité qui sont très chers », explique Awa Ndao, qui travaille dans le secteur depuis plus de trente ans. Surnommée la « reine des petites têtes » pour ses célèbres coupes courtes, la coiffeuse vend des perruques qui coûtent de 75 000 (100 euros) à plusieurs centaines de milliers de francs CFA selon la coupe, la densité, la texture, la longueur et la matière de la chevelure.
Un business florissant alors que les perruques résistent à la mode « nappy » – contraction de « natural » et « happy » – qui vise à réhabiliter le cheveu africain naturel. A l’approche des fêtes de fin d’année, les commandes des femmes sénégalaises explosent et cet « or en mèches » attire de plus en plus les malfrats. Les perruques sont ensuite souvent revendues sur les marchés, ou sur les réseaux sociaux, à un prix beaucoup plus abordable que leur valeur initiale. Dans la rue, les voyous les préfèrent parfois aux téléphones ou aux sacs à main.
« Les clientes peuvent les garder jusqu’à dix ans »
A Dakar, les femmes ne sont plus à l’abri des vols « à l’arraché » de leur coiffe. Nogaye Sidy Fall, 42 ans, a fait cette amère expérience en septembre 2022. Elle faisait des achats dans le marché populaire de Colobane, à la veille de la rentrée scolaire : « Et hop, d’un coup je sens que ma perruque est partie… elle était faite en cheveux naturels, je l’avais payée près de 300 000 francs CFA », raconte-t-elle.
Elle l’avait achetée une semaine plus tôt et n’avait pas encore osé annoncer le prix à son mari. Elle a donc préféré lui dire qu’elle était composée de cheveux synthétiques – bien plus abordables – et que ce n’était pas la peine d’aller porter plainte à la police. « Je ne peux pas me payer le luxe d’acheter des perruques de cette valeur-là chaque année », explique la mère de famille. Dans ses placards, elle garde précieusement deux autres postiches de qualité qui valent 150 000 et 200 000 CFA.
Adji (qui préfère rester anonyme), elle, s’est fait arracher sa perruque à la sortie du bus par des jeunes à scooter, alors qu’elle était en chemin vers son travail. Une coupe carrée et frisée qu’elle venait de s’offrir. « Je vais devoir attendre longtemps avant de pouvoir m’en payer une nouvelle de cette qualité », regrette la jeune femme. Le comble alors qu’elle travaille à Enera Beauty, l’un des salons de coiffure les plus réputés de la capitale pour ses perruques de cheveux naturels.
« Nous importons les cheveux humains du Vietnam à 200 000 CFA le kilo, ils sont traités sans produits chimiques », explique la patronne, Arène Khouma, qui a ouvert son salon dans le quartier Ouest Foire de Dakar en 2017. Chaque mois, elle importe entre 5 et 10 kg de cheveux – 30 kg les mois de fête. Chez Enera Beauty, les perruques coûtent 165 000 à 400 000 francs CFA. « Les clientes peuvent les garder pendant dix ans avec l’entretien adéquat », se justifie-t-elle. « Nous ne faisons pas de fabrication de masse, nous personnalisons tous nos produits car chaque cliente a une tête différente. C’est ce qui explique le prix », détaille Arène Khouma.
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