Au Nigeria, l’inquiétante explosion du nombre de femmes “bandits”

Dans ce pays en proie à un terrorisme intérieur protéiforme, elles sont de plus en plus nombreuses à être embrigadées et à rejoindre des groupes armés. Moins soupçonnables, plus mobiles, elles constituent des recrues de choix pour ces bandes criminelles. Selon ISS Africa, ce phénomène est à lier à l’extrême vulnérabilité des femmes à la pauvreté et aux conditions sociales dégradées.

Courrier international – Les femmes sont de plus en plus impliquées dans le trafic d’armes lié au banditisme dans le nord-ouest du Nigeria. Entre décembre 2022 et février 2023, la police a arrêté plusieurs trafiquantes d’armes dans l’État de Zamfara, au Nigeria, qui auraient fourni armes et munitions à des bandits.

Le banditisme se définit comme un ensemble d’actes criminels qui comprend le vol à main armée, l’enlèvement, le meurtre, le viol et la possession illégale d’armes à feu. C’est le problème de sécurité le plus important au Nigeria.

 

Un banditisme endémique

 

Plusieurs faits rapportés concernant des mouvements et des ventes d’armes illégales dans le nord-ouest du Nigeria au cours des trois dernières années impliquent des femmes. En octobre 2021, une femme de 30 ans spécialisée dans la fourniture d’armes à des bandits dans les États de Zamfara, Sokoto, Kebbi, Kaduna, Katsina et Niger [États situés au nord et au nord-ouest du Nigeria, les plus touchés par le phénomène de djihadisme et de banditisme] a été arrêtée avec 991 cartouches de kalachnikov. Elle opérait depuis le village de Dabagi, dans l’État de Sokoto, pour un célèbre chef de bande qui terrorisait l’État de Zamfara et les États voisins.

En mars 2022, la police nigériane a arrêté une femme de 38 ans dans le cadre d’un trafic d’armes et de munitions entre l’État du Plateau et divers camps de bandits à Kaduna, Katsina et Zamfara. Huit fusils de type AK de fabrication locale, des mitraillettes et 400 cartouches de kalachnikov ont été récupérés.

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On estime qu’il y a 30 000 bandits répartis en groupes de 10 à plus de 1 000 individus dans le nord-ouest du Nigeria. Selon le projet Armed Conflict Location & Event Data (Acled), les attaques de ces groupes ont augmenté de 731 % entre 2018 et 2022, passant de 124 à 1 031. On dénombre 13 485 morts liées au banditisme entre 2010 et mai 2023. Les données de l’Acled [une organisation spécialisée dans la collecte et l’analyse de données dans les conflits armés] reposant sur des sources locales ou provenant des médias, de nombreux incidents peuvent ne pas avoir été signalés.

Le banditisme sévit dans les États de Kaduna, Katsina, Kebbi, Niger, Sokoto et Zamfara et s’étend rapidement à certaines parties du centre-nord du Nigeria et du sud-ouest du Niger. Le nord-ouest du Nigeria est une région vulnérable aux attaques. Cela est dû notamment à une mauvaise gestion des ressources sécuritaires, aux conflits entre éleveurs et agriculteurs, à l’exploitation illégale des mines d’or, au déclin des moyens de subsistance en milieu rural, à une mauvaise gestion des frontières externes du Nigeria, à une application déficiente de la loi et à l’échec des services de renseignements en matière de sécurité.

Les représentants de l’État affirment que les principaux facteurs qui favorisent le banditisme sont la porosité des frontières et le trafic d’armes. En 2019, le ministre nigérian de l’Information, Lai Mohammed, avait déjà déclaré que 95 % des armes utilisées pour le terrorisme et les enlèvements étaient acheminées depuis la Libye et d’autres États d’Afrique déchirés par la guerre.

 

Les femmes en première ligne

 

Selon Umaima Abdurrahman, militante pour l’égalité des sexes dans l’État de Kaduna, l’augmentation récente de l’implication des femmes dans le trafic d’armes doit être appréhendée dans le contexte de la récession économique du nord-ouest du Nigeria, qui touche les femmes de manière démesurée. Elle explique que la pauvreté est un facteur important qui pousse les femmes à s’adonner à des activités criminelles telles que les trafics de drogue et d’armes.

L’Indice mondial de pauvreté multidimensionnelle (IPM) montre que 80 % des habitants du nord-ouest du Nigeria sont pauvres. Bien que l’IPM ne ventile pas les données par sexe, on sait que les femmes sont les principales victimes de la pauvreté au Nigeria. La plupart des femmes du Nord rural dépendent de l’agriculture de subsistance pour l’alimentation et leurs revenus, et elles constituent la majorité des personnes en situation de pauvreté dans les communautés rurales.

Source : Courrier international

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