Le Hamas lance une attaque à grande échelle contre Israël

La tension montait depuis cet été. Elle a explosé d’un coup quand la branche armée du parti islamiste, les Brigades Al-Qassam, a lancé des roquettes et mené une incursion sans précédent en territoire israélien. Le ministre de la défense parle d’état de guerre.

Le Monde – A Jérusalem règne le calme lumineux d’une matinée de shabbat, concluant la semaine de célébration de la fête juive de Soukkot. Rares sont les voitures qui roulent. Soudain, les sirènes retentissent, d’autant plus fort que toute la ville se tait. Des roquettes sont en route depuis la bande de Gaza. Et le choc attendu résonne : la défense antiaérienne tonne. Il est 8 heures. Ceux qui sont réveillés savent déjà qu’il ne s’agit pas de l’une de ces confrontations soigneusement calibrées entre Israël et le Hamas pour éviter une escalade meurtrière. Le parti islamiste se lance dans une guerre à grande échelle.

Deux heures plus tôt, il a envoyé une première salve de centaines de projectiles depuis l’enclave. Mais la véritable attaque n’est pas dans le ciel. Elle se déroule à terre, quand des membres des Brigades Al-Qassam franchissent en pick-up la bordure de séparation pour mener une incursion sans précédent en territoire israélien. Richard Hecht, le porte-parole de l’armée israélienne, reconnaît une invasion par voies de terre, mer et… air, via des parapentes motorisés. Hormis un attentat mené par le Front populaire de libération de la Palestine par deltaplane, en 1986, depuis la Syrie, ce serait la première véritable opération aéroportée de l’histoire militaire palestinienne.

Les militants foncent sur les routes bordant l’enclave, tirent sur une voiture de police israélienne qui fuit à toute vitesse. L’armée confirme des assauts sur les localités de Nahal Oz, Magen, Be’eri, Kfar Aza et surtout Sdérot – « un gros coup », pour Richard Hecht. Le commissariat de cette ville moyenne, tout contre la bordure, a été attaqué. Ainsi que les bases militaires de Raim, Zikim, et même le poste-frontière d’Erez. Les militants s’emparent de plusieurs véhicules, dont un blindé de l’armée israélienne, qui file bientôt dans Gaza, des militants à son bord. Les premières rumeurs de kidnappings circulent. Un cadavre ensanglanté, qui semble être celui d’un soldat israélien, est sorti d’une voiture, quelque part dans Gaza, pour être aussitôt tabassé par la petite foule qui s’est aventurée dehors. Selon des sources locales, quatre militaires ont été capturés vivants. L’armée israélienne n’a pas confirmé encore. Mais les vidéos se multiplient sur les réseaux sociaux.

 

« Plus de 5 000 missiles »

 

Mohammed Deif, le commandant des Brigades Al-Qassam, annonce le début de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », en référence à l’esplanade des Mosquées à Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam, dont le Hamas se présente comme le protecteur. « La première frappe, qui a visé les positions, les aéroports et les fortifications militaires de l’ennemi, a dépassé les 5 000 missiles », affirme-t-il. Il appelle les Palestiniens d’Israël et de Cisjordanie à « mettre le feu sous les pieds des occupants ». Mais aussi le Liban, l’Irak, la Syrie à se joindre à l’assaut. Des roquettes ayant été tirées sur Israël depuis le territoire libanais en avril dernier, cette menace est à prendre au sérieux. A Gaza, les militants du Jihad islamique annoncent se joindre à l’opération lancée par le Hamas.

« L’occupation israélienne n’a jamais répondu aux demandes du Hamas d’épargner Al-Aqsa et de prendre soin des prisonniers palestiniens. Les Brigades Al-Qassam ont déclenché une attaque totale, à une échelle jamais vue. Je crois qu’il s’agit de déclencher une guerre régionale », estime Akram Al-Sattari, un analyste politique palestinien proche du Hamas.

A Jérusalem, les sirènes continuent de résonner. L’attaque dépasse déjà en intensité l’escalade de onze jours de mai 2021, où seule une salve avait été tirée contre la ville sainte. L’armée israélienne déclare alors un « état d’alerte pour la guerre ». Et une heure après, presque cinquante ans jour pour jour après la guerre du Kippour d’octobre 1973, le ministre de la défense, Yoav Galant, tranche : « Nous sommes en état de guerre. »

 

« Epées d’acier »

 

L’armée affirme que le parti islamiste paiera « un prix élevé pour ses actions ». Pour Jonathan Conricus, consultant pour Israeli Defence and Security Forum, un groupe de réflexion israélien, « c’est une attaque multidimensionnelle sans précédent contre Israël, visant à tuer et à enlever des civils et des soldats. Cela fait partie du réseau terroriste iranien. Alors que l’ampleur des pertes israéliennes est en cours d’être confirmée, je m’attends à une réponse israélienne jamais vue auparavant ».

Une femme a été tuée et une centaine de personnes blessées dans la première phase de l’attaque. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a réuni le cabinet de sécurité, tandis que l’un des chefs de l’opposition, Yaïr Lapid, lui a offert son soutien politique. « Israël est en état d’urgence. Nous soutiendrons le gouvernement dans toute réponse militaire décisive », a-t-il déclaré.

L’offensive surprise du Hamas survient alors que l’Etat juif est enlisé dans un conflit politique sans précédent depuis le début de l’année, à cause de la réforme judiciaire lancée par l’exécutif. Nombre de réservistes, notamment parmi les forces aériennes, ont refusé de suivre les entraînements indispensables pour maintenir leur niveau. A tel point que des officiers s’alarmaient récemment de l’état des forces armées israéliennes. Mais selon l’armée israélienne, ils répondent tous à l’appel « par milliers », y compris à la frontière libanaise et en Cisjordanie occupée –  « Nous avons écouté attentivement le message de Mohammed Deif », dit Richard Hecht. Au « Déluge d’Al-Aqsa », l’armée répond par l’opération désormais baptisée « Epées d’acier ».

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(Jérusalem, correspondance)

Source : Le Monde

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