En Afrique, la notion d’homme fort est une illusion

TRIBUNE - Inventée pour servir des intérêts spécieux, la notion d’homme fort fait partie de ce qui nourrit l’instabilité politique et sociale du continent.

Parce que sur le continent, un soi-disant homme fort n’est en réalité pas soutenu par/et soumis à des institutions fortes comme dans le cas de régimes qu’on a tendance à identifier à des leaders.

En Afrique, l’homme fort dévoie des institutions républicaines démocratiques pour les soumettre à sa volonté. Se faisant, il affaiblit et décrédibilise ces mêmes institutions qui devraient être les garants de sa légitimité populaire. Une telle situation lui permet d’anéantir provisoirement toute forme d’opposition républicaine pour se retrouver tout seul, lui et son régime, en face de populations énervées, parce qu’appauvries, affamées et humiliées de devoir mendier en étant assises sur des tas de richesses.

L’illusion de l’homme fort explique pourquoi des dirigeants africains ne durent au pouvoir que le temps de voir leur mal-gouvernance économique, sociale et sécuritaire, produire davantage de pauvreté, soulever leurs populations contre eux-mêmes et offrir ainsi à des militaires, l’opportunité et le prétexte de les renverser.

Plutôt des géants aux pieds d’argile

 

Ces hommes forts étant en réalité, des géants aux pieds d’argile, c’est cela qui explique la prévalence des changements de régimes anticonstitutionnels par la dialectique du contrôle alternatif des moyens de la violence. Chacun son tour chez le coiffeur !

D’aucuns se demandent alors pourquoi il n’y aurait pas, en Afrique, des hommes forts qui durent au pouvoir, à l’image de ceux qui ont joué des rôles déterminants dans la transformation de leurs pays. Ils citent souvent des dirigeants de Chine, d’Union soviétique, de Russie, de Malaisie ou de Singapour.

Mais ces dirigeants ne sont pas des hommes forts au sens africain du terme. Ce sont plutôt des hommes que des institutions fortes ont choisis et rendus « forts », pour être leurs gardiens et les garants de leur bon fonctionnement, en vertu du respect des orientations paradigmatiques de leurs nations.

Peut-on vraiment croire qu’un seul Deng Xiaoping pouvait être assez fort pour imposer ses vues et sa volonté à plus de 1 milliard 400 millions de Chinois ?

La même question peut-être posée en ce qui concerne Vladimir Poutine en Russie, Lee Kuan Yew à Singapour, Mahathir Mohamad en Malaisie, ou Zayed ben Sultan Al Nahyane aux Émirats arabes unis, pour ne citer que ceux-là.

Il est vrai que tous ces leaders ont en commun leur engagement patriotique et nationaliste pour servir la construction économique et sociale de leurs pays, à commencer par l’édification des bases d’un État fort qui est bâti sur des institutions inviolables et qui incarnent d’autant, les aspirations de leurs nations.

De la nécessité de construire une nation

Justement, tout part de la construction d’une nation. Parce qu’une nation se bâtit sur une communauté de destin d’individus qui constituent des peuples par l’histoire, la géographie et la culture. La qualité de nation transforme les individus d’un peuple en concitoyens et leur donne une vision commune de leurs aspirations en termes de développement économique et social. Ces aspirations assumées leur permettent de se projeter dans l’avenir et de bâtir des institutions cohérentes, pertinentes et congruentes qu’ils s’approprient individuellement et collectivement et, protègent.

Les « Nations Nègres » ont justement existé comme l’a bien démontré Cheikh Anta Diop. Elles ont incarné des cultures qui étaient définies par des pluralités symbiotiques de valeurs de leurs civilisations. Mais elles ont été brutalement détruites par l’esclavage et la colonisation, par des puissances étrangères prédatrices qui ont toutes considéré que leur développement serait un jeu à somme nulle dans lequel il doit y avoir des gagnants et des perdants.

 

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Spécialiste du développement des chaînes de valeur, entrepreneur, Papa Demba Thiam a été directeur de projets pour les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) en liaison avec l’Union européenne, l’Onudi, le Club du Sahel de l’OCDE et à la Banque mondiale.

 

 

 

 

Source : Le Point Afrique (France) – Le 25 septembre 2023

 

 

 

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