France – L’exercice physique, un médicament à rembourser

Cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète, dépression… les bénéfices de l’activité physique sont prouvés, tant en prévention qu’en traitement. De nouvelles mesures de prise en charge du sport sur ordonnance devraient être annoncées avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Monde – « Imaginez que la metformine, antidiabétique de référence, soit gratuite à Strasbourg mais coûte 200 euros dans d’autres villes… Ce serait révoltant », lance Alexandre Feltz, adjoint à la santé à la mairie de Strasbourg et président de la maison sport-santé (MSS) de la ville. S’il utilise cette métaphore, c’est pour souligner le fait que l’activité physique adaptée (APA), thérapeutique non médicamenteuse, reconnue dans certaines maladies chroniques, n’est financée que dans la capitale alsacienne, la région Grand-Est et quelques autres municipalités ou territoires, mais pas au niveau national.

La promotion de l’activité physique et sportive, décrétée « grande cause nationale » pour 2024 par Emmanuel Macron dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024, va-t-elle faire passer le sport-santé à la vitesse supérieure ?

Le gouvernement devrait faire un pas en avant lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), prévue mercredi 27 septembre, en annonçant une prise en charge de l’APA dans le domaine du cancer et du diabète. En attendant, l’expérience strasbourgeoise fait toujours figure de référence.

Lancé en 2012, à l’initiative de M. Feltz, médecin généraliste convaincu que l’activité physique est un véritable médicament, le dispositif appelé « Sport santé sur ordonnance » (SSSO) s’est d’abord adressé aux adultes touchés par une maladie chronique, reconnue ou non en affection longue durée : cancer, maladie cardio-vasculaire, diabète, obésité, hypertension artérielle… Puis il a été progressivement étendu aux personnes âgées fragilisées, aux sujets souffrant de troubles psychiatriques, de Covid long, aux femmes enceintes et aux jeunes mères.

Séance d’évaluation

Quelque 5 000 habitants de la ville ont bénéficié de cette prise en charge, orientés par 500 médecins, sur un total de 650 installés dans la capitale alsacienne. « Chaque semaine, 1 000 personnes fréquentent une centaine de créneaux d’activité physique », précise Matthieu Jung, responsable du pôle accompagnement de la MSS de Strasbourg. Par ailleurs, depuis 2014, 1 000 enfants ont intégré un programme de prise en charge de l’obésité et du surpoids.

Muni d’une ordonnance, le patient bénéficie d’abord d’une séance d’évaluation médico-sportive, qui comprend, entre autres, un test consistant à marcher la plus grande distance possible en six minutes. Un enseignant en activité physique adaptée lui propose ensuite plusieurs activités (natation, vélo, marche nordique, basket, yoga…) et l’aide à choisir selon ses goûts, sa pathologie, ses habitudes de vie, etc. Gratuit la première année, ce dispositif fait l’objet d’une tarification progressive, de 20 à 100 euros par an, en fonction des revenus, la deuxième année.

Le principe a essaimé au niveau de la région Grand-Est, avec Prescri’mouv, lancé en 2018. Financé majoritairement par l’agence régionale de santé (ARS), il est ouvert depuis fin 2022 à l’ensemble des malades chroniques. Après une prescription médicale et un bilan médico-sportif, les patients ont accès à douze séances gratuites de pratique sur trois mois. « L’idée est que ces personnes, à l’issue du programme, intègrent un parcours d’activité physique dans un club, une association ou chez elles, s’achètent un vélo, et n’aient plus besoin de cet accompagnement », explique la docteure Arielle Brunner, directrice de la promotion de la santé à l’ARS Grand-Est.

« L’objectif majeur est d’instaurer un changement de comportement par l’activité physique, et de favoriser les déplacements actifs », ajoute M. Feltz, également auteur du livre Sport santé sur ordonnance. Manifeste pour le mouvement (Equateurs, 2020). Selon lui, tout déplacement contraint doit se transformer en déplacement favorable à la santé. Strasbourg est d’ailleurs, de loin, la première ville pour les déplacements domicile-travail à vélo, estimait le classement de l’Insee en 2021.

Depuis 2018, ce sont 17 402 patients qui ont eu recours au dispositif dans le Grand-Est. La région compte plus de maladies cardio-vasculaires, plus d’obésité et une mortalité plus élevée que la moyenne en France. Dans les faits, « au moins 20 % à 25 % de la population du Grand-Est pourrait bénéficier de ce programme », précise Mme Brunner.

En prévention et en traitement

A l’échelle nationale, le fardeau des maladies chroniques ne cesse de s’alourdir : 21 millions de personnes seraient concernées, avec un coût pour l’Assurance-maladie de 86 milliards d’euros (61 % des dépenses de santé). L’activité physique représente « un formidable levier de prévention des maladies chroniques », comme le résume l’ancien député (Parti socialiste) Régis Juanico dans le livre Bougeons ! (L’Aube-Fondation Jean Jaurès, 146 pages, 16 euros), qu’il vient de publier. Ce manifeste fait dix propositions pour remettre les Français en mouvement, « de la naissance à l’Ehpad ».

Cancers, maladies cardio-vasculaires, diabète, dépression… Les bénéfices sont prouvés, tant en prévention qu’en traitement. Ainsi, chez les patients atteints de cancer, bouger diminue sensiblement la fatigue et les effets indésirables des traitements. Cela peut aussi réduire de 40 % à 60 % le risque de récidive d’une tumeur au sein.

Pour l’heure, toutefois, le constat est inquiétant. En France, comme dans de nombreux pays, la population est à la fois insuffisamment active et trop sédentaire (passant trop de temps assise ou allongée, en dehors des heures de sommeil). Des comportements qui se sont accentués lors des confinements pendant la pandémie de Covid-19, comme l’ont montré des enquêtes chez des enfants et adolescents.

Or, le manque d’activité physique et la sédentarité sont deux facteurs de risque indépendants qui se conjuguent pour dégrader l’état de santé. Selon des données reprises par l’Observatoire national de l’activité physique et de la sédentarité (Onaps), 47 % des femmes et 29 % des hommes sont physiquement inactifs. Et le temps de sédentarité va croissant, dans toutes les tranches d’âge. Les enfants et les adolescents passent en moyenne entre trois et quatre heures par jour devant un écran. Les adultes passent en moyenne douze heures par jour assis les jours travaillés, et neuf heures les jours non travaillés.

 

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Source : Le Monde

 

 

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