Maroc – Les luttes berbères oubliées contre la présence française

Orientxxi.info  – C’est aux confins du Moyen et du Haut Atlas que se sont déroulées, en août 1933, les dernières grandes batailles lancées par les combattants berbères contre l’ingérence française au Maroc. Considérées dans la culture populaire comme des épopées de la résistance contre le colonialisme, elles ne figurent pourtant ni dans les manuels scolaires ni dans l’histoire officielle.

Il a fallu attendre l’année 1933, soit 21 ans après la signature du traité de protectorat par le sultan Abd Al-Hafid en 1912, livrant le Maroc à la France, pour que le pays soit entièrement « pacifié »1 par l’armée occupante d’une IIIe République arrogante et colonisatrice. Avant cette date, la France a dû faire face à une série de batailles contre les résistants marocains dont les théâtres se situaient surtout dans les montagnes du Rif, du Moyen et du Haut Atlas, la dernière ayant eu lieu il y a tout juste 90 ans.

L’élément déclencheur, à la fois historique et politique, remonte à 1911 lorsque les tribus berbères apprirent que le sultan Hafid, qui avait succédé à son frère Abdelaziz en 1908, s’apprêtait à livrer le pays aux Français à la suite de l’endettement colossal dont son frère était le principal responsable. Surnommé le « sultan des chrétiens » à cause de sa connivence avec la future puissance colonisatrice, Hafid est aux abois : traqué et assiégé en 1911 par les tribus berbères, il se réfugie à Fès où il sollicite d’abord la protection des notables de cette ville du centre du pays, avant de faire appel à celle des Français.

Pays soumis, pays insoumis

Fès a été pendant des années la capitale des sultans alaouites. Ils y sont tous nés et en avaient fait le centre de leur pouvoir. Ses habitants sont pour la plupart les descendants des musulmans et des juifs qui avaient fui l’Andalousie à la fin du XVe siècle. Ils forment, jusqu’à aujourd’hui, une bourgeoisie commerçante et lettrée, mais arrogante. Ils ont toujours fait partie du Blad El-Mahzen, le pays soumis à l’autorité du sultan, par opposition au Blad Siba, le pays insoumis, majoritaire et peuplé essentiellement par des tribus berbères autonomes. En contrepartie de la protection militaire du sultan et de son armée, composée de mercenaires et d’esclaves affranchis, les Fassis (habitants de Fès) lui apportaient un soutien financier et lui reconnaissaient une légitimité religieuse et politique. C’est ce qui explique la fuite de Hafid en 1911 à Fès, où il fut assiégé pendant six mois par les tribus berbères avant de solliciter l’aide militaire de la France.

Libéré en mai 1911 par le général Charles Émile Moinier à la tête d’une armée de 23 000 hommes, Hafid signera le traité du protectorat un an plus tard avec un certain… Hubert Lyautey. Mais en dépit de cet acte militaire quasi fondateur de la présence des armées françaises, de longues et dures batailles contre les Berbères les attendaient : « Conquérir le Maroc berbère ne sera pas une promenade de santé », prévient Lyautey2.

La première bataille est celle d’El-Hri, fief de la grande tribu des Zaïans au Moyen Atlas, dont on fêtera les 110 ans en 2024. Menée par Moha ou Hammou Zayani, une légende de la résistance berbère au Moyen Atlas, et, du côté français par le lieutenant-colonel René Philippe Laverdure, la bataille d’El-Hri se déroula le vendredi 13 novembre 1914 près de Khenifra, la capitale des Zaïans : l’armée coloniale est décimée en quelques heures : 33 officiers (dont Laverdure) et 650 soldats sont tués et près de 180 blessés.

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Omar Brouksy

Journaliste et professeur de science politique au Maroc

Source : Orientxxi.info  

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