Mauritanie – Habibatou et Noura

Bien que convenue, la métaphore des «Amazones» vient à l’esprit spontanément. Les Anglo-Saxons évoqueraient plus volontiers le «trailblazering», ce statut de pionnières que nos deux «soldates» méritent amplement.

Chez nous et, partout ailleurs, il faut bien convenir que le métier des armes ne fait pas penser prioritairement aux femmes. Le blocage tient tant à des questions d’imaginaire que peut-être plus prosaïquement d’ordre établi partagé. Les plus enclins à la polémique fustigeraient plus crument une forme de sexisme voire misogynie régentant encore certains emplois.

Au répertoire imaginaire, l’armée renvoie quasi mécaniquement à la guerre et donc à la mort. Et l’instinct guerrier, que l’on s’en réjouisse ou que l’on s’en désole, n’est généralement pas associé au tempérament prêté aux femmes. Tant mieux, penseront certains.

L’armée, c’est aussi le commandement. Celui-ci en est même le socle. Ici, foin d’imaginaire ou de symbole. Place à la «réalité». Nous sommes nombreux à imaginer le sens que nous estimons naturel du commandement. Ce sens est unique.

Cela étant, il faut se garder de réduire l’institution militaire à ces seuls raccourcis et stéréotypes. S’il est une « institution», censée incarner l’aptitude à l’intégration, c’est l’armée. Ce que l’école lui dispute. Du moins, en principe. Mais comme il faut un début à tout, on accepte d’autant plus facilement qu’une hirondelle voire deux ne fassent pas le printemps. L’image ne recèle évidemment aucun tropisme de genre.

Voir deux femmes co-lauréates d’un examen professionnel susceptibles d’ouvrir l’accès au grade de colonel, antichambre à celui de général, est en soi remarquable. Que cela advienne dans un pays comme le nôtre où les pesanteurs sociales restent ce qu’elles sont est la double illustration du courage des deux protagonistes et aussi de ce qu’il ne faut pas désespérer de l’évolution des mentalités. Ce qu’en d’autres domaines, on aurait appelé success story et qui est surtout le résultat d’une trajectoire de courage et de mérite croise plusieurs éléments : un solide parcours scolaire et universitaire, une grande et ferme volonté et accessoirement une «tradition familiale». Il se trouve en effet que l’une de nos deux héroïnes, Habibatou, est la fille du Colonel Thiam El Hadj, une des figures emblématiques de l’armée mauritanienne.

Noura et Habibatou ont en partage d’être militaires et médecins-militaires. Deux faces d’une même médaille. Habibatou a opté pour la gynécologie en tant que spécialité. On est à rebours de l’image du soldat, machine à tuer. Ayant par ailleurs servi au sein de la Minusca, elle incarnerait, à ce titre, davantage le soldat faiseur de paix que le militaire va-t-en guerre.

L’une comme l’autre symbolisent, au-delà de leur personne et de leurs parcours professionnels respectifs un exemple. Elles sont, à certains égards, des agents de mutation de notre société. Une exemplarité qui les statufierait en «role model» pour reprendre un anglicisme. Elles auront incontestablement contribué à faire bouger les lignes.

Les résistances persisteront bien entendu. Pas nécessairement en provenance de l’institution elle-même mais des mentalités et donc de la société. Elles seront fortes au sein de cette dernière sans en être l’apanage toutefois. Pour preuve, le battage médiatique qui accueillit en juillet dernier la promotion par le président Joe Biden, pour la première fois dans l’histoire militaire américaine, d’une femme au commandement de l’US Navy. Ce qui vaut pour les Etats-Unis vaut évidemment pour nous. Mais l’avenir n’est pas figé. Et c’est la bonne nouvelle.

 

 

 

Karim Ba

 

 

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