
– Depuis son ouverture le 12 août, c’est l’attraction. A la tombée de la nuit, des dizaines d’Abidjanais de toutes les classes sociales se pressent pour immortaliser le nouveau pont de la capitale économique. Eclairé des lumières orange, blanche et verte du drapeau ivoirien, il a été baptisé du nom du président en exercice depuis 2011 : Alassane Ouattara. « On n’a plus besoin de visa pour aller en Europe, c’est mieux que la tour Eiffel », s’exclame un motard qui, comme des dizaines de personnes, a garé son véhicule quelques minutes sur la voie de droite pour admirer l’ouvrage, un de plus dans une capitale économique en pleine métamorphose.
Pour certains, le pont de 630 mètres ressemble à une longue kora, l’instrument de musique emblématique de l’Afrique de l’Ouest, dont les cordes seraient les haubans, le manche serait les deux viaducs et le chevalet l’imposant pylône de plus de 100 mètres de haut. Pour quelques féministes ivoiriennes, la forme de la structure a les allures d’un immense clitoris et le pont sera, assurent-elles sur les réseaux sociaux, le lieu des futures luttes. Conçu par l’influent architecte Pierre Fakhoury, il relie les riches communes de Cocody et du Plateau et rappelle harmonieusement l’architecture moderniste de la cathédrale Saint-Paul de l’Italien Aldo Spirito située au bout du pont, du côté du Plateau.
« C’est un bel ouvrage, un nouveau repère dans la ville, estime l’architecte ivoirien Guillaume Koffi, du cabinet Koffi & Diabaté. Peut-être la nouvelle image référence d’Abidjan qui a besoin de réalisations qui contribuent à son influence et son prestige. » Les autorités ivoiriennes parlent, elles, d’« un outil de communication ». Et son succès sur les réseaux sociaux semble leur donner raison. A quelques mois de l’organisation de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui se tiendra en janvier et février 2024 en Côte d’Ivoire, les grands travaux tel que celui-ci servent aussi de vitrine au pays.
Initiés en 2019, les travaux ont pris quatre années, au lieu des deux initialement prévues. En raison de l’épidémie du Covid-19 qui a particulièrement touché la Chine avec qui travaillait la Côte d’Ivoire sur ce projet. Censé décongestionner l’important trafic abidjanais, le pont devrait être quotidiennement emprunté par 30 000 à 50 000 véhicules. « Son tracé et son efficacité à fluidifier le trafic sont de toute évidence discutables », note toutefois M. Koffi. Certains se sont déjà moqués des premiers embouteillages observés sur le pont ces derniers jours.
Le « deuxième miracle ivoirien »
Un an après son arrivée à la présidence, en 2012, le chef de l’Etat avait fait de « l’émergence en 2020 » son principal slogan ; un leitmotiv qu’il avait ensuite abandonné alors que l’échéance approchait. Mais à l’image de Félix Houphouët-Boigny, le premier président ivoirien, Alassane Ouattara veut laisser une image de bâtisseur dont les grands travaux sont aussi un outil politique. Lors de l’inauguration le 12 août, le chef de l’Etat s’est même permis un trait d’humour politique.
« Souvenez-vous, [en 2014] à l’occasion de l’inauguration du pont Henri Konan Bédié [ancien président ivoirien décédé le 1er août], mon aîné avait dit : “Ce pont vaut un autre mandat.” Moi je dirais, ce pont vaut plusieurs autres mandats », a déclaré le président réélu en 2020 pour un troisième mandat et qui n’a pas écarté la possibilité de briguer un quatrième mandat, suscitant les applaudissements nourris des officiels et militants. Pour certains observateurs, le timing de cette inauguration n’est d’ailleurs pas fortuit, alors que les élections locales se profilent le 2 septembre. Le président avait également inauguré le stade olympique d’Ebimpé au nord d’Abidjan quelques semaines avant la dernière élection présidentielle.
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– (Le 24 août 2023)Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com