Grève de la faim ou de la fin / Par Tijane BAL

«Tu me prives de ma liberté. Tu ne me priveras pas de ma mort» proclamaient des détenus politiques turcs grévistes de la faim.

Acte manifeste de résistance, la grève de la grève n’en est pas moins quelquefois ramenée, par un raccourci, à une forme de suicide par mort lente. Cette assimilation est tenace bien que l’irréparable n’advienne pas toujours. La même ambivalence recouvre le suicide. Geste de démission ou acte de courage ? Albert Camus en aurait fait l’acte le plus mystérieux de l’être humain. «Qui sait ce que cache une mort dite volontaire» questionnait pour sa part l’écrivain Claro à propos du chanteur Moshe Michael Brand alias Mike Brant.

Au registre politique, le suicide est négativement connoté, plus souvent réduit qu’il est à une forme de fuite. L’écrivain Régis Debray en a rendu compte à propos de Salvador Allendé dont un certain imaginaire de gauche n’a jamais admis qu’il se soit suicidé, préférant la thèse de la résistance jusqu’à l’ultime. Debray avait à cœur de rendre à l’ancien président chilien, figure de la gauche s’il en est, le choix de sa mort. La dimension sacrificielle du geste « suicidaire » ne fait dans certains cas nul doute.

L’exemple emblématique en la matière fut celui de Bobby Sands, figure de l’IRA (Armée républicaine irlandaise), que Margaret Thatcher laissa mourir le 5 mai 1981 après 66 jours de grève de la faim. Il y eut aussi, mais différent, le cas tunisien en 2011. Un paradoxe en l’occurrence ! Bien que pays de religion musulmane, religion proscrivant le suicide, « la » Tunisie célébra le geste de Mohamed Bouazizi au point de l’ériger en acte référentiel et inaugural d’un tournant qui conduira à la chute de Ben Ali.

Autre pays, même problématique. La dimension religieuse ne peut non plus être totalement exclue de la distinction établie par des grévistes de la faim en Turquie entre ce qu’ils appellent «jeûne de la mort» et grève de la faim. La première, censée, comme son nom l’indique assez, conduire à l’issue fatale, questionne ipso facto le projet «suicidaire». Pour preuve, l’avocate Ebru Timtik succomba le 27 août 2020 à une grève de la faim de 238 jours.

Troisième cas à convoquer l’aspect religieux, sans avoir, pour l’instant, l’ampleur des précédents, la grève de la faim qu’observerait, selon ses proches, Ousmane Sonko. L’homme politique n’ayant jamais fait mystère de ses convictions religieuses, ni hésité à les afficher au sein de l’espace public, il ne pourra échapper aux interrogations entre sa démarche, si elle est avérée, et ses convictions. Pour l’instant, on en conviendra, l’essentiel n’est pas là.

 

 

Tijane BAL pour Kassataya.com

 

 

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